Voici déjà plus de douze ans que l'attestation de transfert, sésame du transfert des fonds à destination de l'étranger, existe avec ses procédures, ses contraintes, les mésaventures des uns et des autres, dans un contexte de dilution de responsabilité. Aux origines, la loi de finances pour 2009 La loi de finances pour 2009 a créé un article 182 ter au Code des Impôts directs et Taxes assimilées qui stipulait que les transferts, à quelque titre que ce soit, de fonds au profit de personnes physiques ou morales non résidentes en Algérie, doivent être préalablement déclarés aux services fiscaux territorialement compétents. La motivation principale de cette disposition était de permettre à l'administration fiscale d'avoir l'assurance que les bénéficiaires de ces paiements étaient à jour de leurs obligations fiscales. Cette motivation est toujours d'actualité, tout comme le délai de sept (07) jours donné à l'Administration pour l'instruction de toute demande d'attestation de transfert de fonds. Ce délai peut toutefois ne pas s'appliquer dans les situations de non-respect des obligations fiscales, auquel cas, l'attestation n'est délivrée qu'après régularisation de la situation fiscale. L'ancienne rédaction de l'article 182 ter du Code des Impôts directs et Taxes assimilées précisait que l'attestation de transfert de fonds ne n'appliquait pas aux sommes versées en rémunération d'opérations d'importation soumises à la taxe de domiciliation bancaire. La loi de finances pour 2021 a modifié cette rédaction pour consacrer la dispense de l'obligation d'attestation de transfert aux sommes versées en rémunération d'opérations d'importation de biens ou marchandises, seulement. Avec cette nouvelle formulation, les importations de services restent concernées par l‘obligation de la souscription de la déclaration de transfert de fonds, sans référence à la taxe de domiciliation. Entre-temps, la loi de finances pour 2020 a également apporté quelques modifications de forme à l'article 182 ter du Code des Impôts directs et Taxes assimilées pour retirer de sa rédaction la notion de «transfert à quelque titre que ce soit», d'une part, et d'autre part, pour rajouter que l'attestation de transfert s'applique autant aux sommes soumises à imposition qu'à celles qui bénéficient d'une exonération ou d'une réduction d'impôt. L'article 182 ter, autant dans sa rédaction initiale qu'actuelle, impose aux établissements bancaires d'exiger, à l'appui de la demande de transfert, l'attestation de transfert, ce qui n'est pas sans poser de problème car dans l'application de la mesure, un certain amalgame existe dans la perception de la prérogative de l'autorisation de transfert. L'arrêté du ministre des Finances, édité juste après la publication de la loi de finances pour 2009(1), a évidemment rappelé obligation d'exiger, à l'appui de la demande de transfert de fonds, l'attestation de transfert délivrée par les services de l'Administration fiscale. Les modèles de déclaration et d'attestation sont également définis par cet arrêté qui précise ce qu'il y a lieu de comprendre par transferts de fonds, et à ce titre : – Les paiements et les virements de fonds, y compris le rapatriement des revenus des capitaux ; – Les remboursements, les produits de cession, de désinvestissement ou de liquidation ; – les redevances, les intérêts et les dividendes. L'arrêté du 1er octobre 2009 précise également à qui incombe la démarche de déclaration de transfert de fonds. Ainsi, l'article 4 de cet arrêté désigne : – Le contractant algérien (entité ordonnatrice), lorsqu'il s'agit de personnes morales ou physiques, sans installation permanente en Algérie, et qui y exercent dans le cadre d'un contrat de prestations de services ou de travaux immobiliers accompagnés ou non de fournitures ou d'équipements ; ou – La personne morale ou physique qui envisage de rapatrier les revenus des capitaux ou de transférer des produits de cession, de désinvestissement ou de liquidation, ainsi que des redevances, des intérêts ou des dividendes. Retour sur la pratique De nombreux opérateurs économiques se trouvent inéluctablement ordonnateurs de transferts de fonds vers l'étranger, tant notre pays a développé une dépendance en matière d'importations de biens et de services, dans un environnement strict de contrôle de change délégué aux banques commerciales. Selon une perception généralisée, par les opérateurs donneurs d'ordre, la capacité à autoriser les transferts de fonds revient à l'Administration fiscale, alors qu'en réalité celle-ci n'a qu'un objectif de contrôle de conformité à l'effet de s'assurer de l'acquittement des dettes fiscales, entre autres d'obligations, en application des dispositions de l'article 182 ter du Code des Impôts directs et Taxes assimilées. Cette perception n'est pas un hasard, car la déclaration de transfert de fonds auprès de l'Administration fiscale se trouve en amont de la procédure et tout retard dans l'instruction de la demande d'attestations de transfert de fonds, voire son rejet ne permet pas de présenter un dossier recevable auprès de la banque commerciale, cette dernière étant tenue d'exiger, à l'appui de la demande de transfert, l'attestation délivrée par l'Administration fiscale. La déclaration est souscrite auprès de la Direction des grandes entreprises (DGE) pour les contribuables qui relèvent de cette structure, ou auprès de la Direction des impôts de wilaya (DIW) pour les autres contribuables. Dans la pratique ce sont souvent les bénéficiaires des paiements qui opèrent les démarches lorsqu'ils sont présents sur le territoire algérien, d'autant que l'arrêté du 1er octobre 2009 ne met ces démarches à la charge des donneurs d'ordre que lorsque les bénéficiaires n'ont pas d'installation permanente en Algérie pour les paiements de service ou de travaux immobiliers. Pour cette dernière catégorie, les entrepreneurs sont forcément présents en Algérie pour y réaliser les ouvrages objets des paiements. A l'inverse, pour le cas spécifique des dividendes, les donneurs d'ordre restent les sociétés qui ont organisé les assemblées générales qui ont décidé de telles distributions, contrairement à ce que prévoit l'arrêté du 1er octobre 2009. Retour sur les situations particulières Devant autant de types de transactions et de parties prenantes comme les entrepreneurs, les prestataires de services, ou encore les actionnaires, prêteurs, ou autres créanciers en attente de paiement à l'étranger, avec au croisement l'Administration fiscale et les banques commerciales, des situations autant particulières que difficiles à dénouer relèvent d'une complexité propre à l'enchevêtrement des textes qui n'ont pas été conçus en parfaite synchronisation. Tel est le cas des dépassements d'échéance de paiement lorsque les délais d'instruction des demandes d'attestation de transfert dépassent ces échéances pour les situations de travaux immobiliers ou les contrats de services.Le cas des transferts de dividendes est encore plus critique, compte tenu de l'application des dispositions de l'article 724 du Code de commerce, qui impose un délai de neuf (09) mois pour la mise en paiement des dividendes, mettant les donneurs d'ordre sur un parcours fastidieux, au risque de se trouver dans une situation inextricable comme celle d'avoir obtenu la fameuse attestation de transfert, mais au-delà des neuf mois réglementaires, les banques commerciales s'en tiennent au délai de neuf mois pour rejeter le transfert. D'autres cas complexes relèvent de contradictions factuelles entre l'application des dispositions du Code de commerce et celle des lois fiscales avec en filigrane la réglementation des changes. Tel est le cas des coentreprises, où la mise en paiement des dividendes intervient pour les associés ou actionnaires algériens résidents alors que celle des partenaires étrangers est empêchée par l'enchevêtrement des délais d'instruction des attestations de transfert et des procédures de paiement initiées par les banques commerciales, mettant en péril le principe d'égalité entre les associés ou actionnaires. La situation est encore plus complexe dans les cas où la fiscalité est payée, en amont, pour les besoins de conformité des dossiers de transfert et que les délais jouent à contre-courant, créant une situation inédite : celle d'une conformité fiscale remplie avec des impôts dûment payés sur les distributions, d'attestations de transfert de fonds obtenues mais de délais de paiement expirés par la simple lenteur systémique de traitement.
Par Samir Hadj Ali Expert-comptable
1)- Arrêté du 1er octobre 2009 relatif à la souscription et à la délivrance de l'attestation pour les transferts de fonds vers l'étranger Advertisements