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Commandant Mohamed Sebillot(Inspecteur général des méthaniers et spécialiste de la sécurité maritime)
« On aurait pu sauver les marins du Béchar »
Publié dans El Watan le 12 - 04 - 2005

Plus que jamais, la sécurité maritime reste d'actualité. Inspecteur général des méthaniers et spécialiste de la sécurité maritime, le commandant Mohamed Sebillot affirme dans cet entretien que la catastrophe du navire Béchar aurait pu être évitée, tout en précisant que la responsabilité de ce drame reste partagée.
Pensez-vous que la Cnan est l'unique responsable ?
L'exclusion de la responsabilité de toute partie impliquée dans cette affaire donnera un goût amer à ceux qui ont soif de justice et qui croient fermement, comme moi, à l'ordre et à la discipline devant être restitués à ce secteur. Il y a un choix fondamental que doit faire un professionnel ou qui se considère comme tel, celui de s'exprimer par devoir de conscience pour aider la justice ou de se taire à jamais par lâcheté ou par indifférence. En ce qui me concerne, j'opte pour le premier en espérant que ma modeste contribution puisse apporter plus d'éclairage sur ce drame. Les responsables de la déliquescence de notre environnement maritime, principale cause de ce drame, doivent être dénoncés et pointés du doigt afin de les mettre face à leur conscience, s'ils en ont. Les marins du navire Béchar sont morts pour avoir accepté de travailler sur un navire vétuste, un cercueil flottant pour reprendre le terme d'un commandant. Ce navire ne répondait plus aux normes de sécurité et se trouvait sur rade au port d'Alger en attente émanant « d'en haut » d'une décision éventuelle soit de réparation, soit de désinvestissement. Ces marins avaient deux choix devant eux : celui d'embarquer sur ce navire démuni de moyens de propulsion au mouillage sur rade ou celui de renforcer les rangs déjà importants des chômeurs issus de cette corporation en cas de refus d'embarquement. La sécurité d'un navire et de son personnel est tributaire de l'efficacité des mesures de sécurité préventives sérieusement étudiées, évaluées et adoptées par tous les acteurs clés d'un plan d'intervention retenu que l'on nomme le plan d'urgence.
Vous voulez parler d'un plan d'intervention et de secours...
Oui, il s'agit de ce plan dans lequel toutes les parties concernées par la mer sont impliquées. Pour moi, les responsabilités dans ce drame sont partagées entre la Cnan, le Port d'Alger et les services chargés de la sécurité et de la sauvegarde des vies humaines en mer, à savoir la Marine nationale et le Service national des gardes-côtes, mais aussi tous les navires présents dans la zone du sinistre. Ces responsabilités sont bien définies par des règlements spécifiques obéissant à des textes nationaux et internationaux. L'Organisation maritime internationale (OMI) promulgue des conventions qui doivent être suivies, après ratification, de textes nationaux d'application. Pour le cas des naufrages, il s'agit de la convention sur la recherche et le sauvetage maritime, connue sous l'appellation de la convention Safety and Rescue (SAR) signée à Hambourg le 27 avril 1979 et amendée le 22 juin 1985. En Algérie, le texte d'application est le décret présidentiel n°95/290 du 17 septembre 1995 relatif à la création d'un centre national et de centres régionaux des opérations de surveillance et de sauvetage en mer, plus connus sous l'appellation de CnosS, Cross ou sous-Cross.
Ces structures sont normalement habilitées à déclencher l'alerte en situation de crise...
Effectivement, c'est le CnosS qui déclenche l'alerte dès la réception du SOS du navire, sur information de l'armateur, qui est la Cnan, d'un navire présent sur la rade ou de la capitainerie du port d'Alger. Il est également censé diriger et coordonner toutes les opérations de sauvetage et intervient avec les moyens disponibles des forces navales, des gardes-côtes, du port ainsi que des navires présents dans la zone. Justifier l'échec de cette opération par l'absence de moyens, c'est reconnaître un problème mainte fois débattu par de nombreuses commissions interministérielles et resté sans suite. La faiblesse du pays en moyens à même de porter secours et assistance à des vies humaines en mer et aux navires en détresse est une réalité cruelle.
Pourquoi, selon vous, les autorités n'ont-elles pas réagi à temps pour résoudre ce problème ?
Le manque de fermeté des politiques dans la prise en charge du dossier assistance et sauvetage en mer et le peu d'importance qu'ils accordent à ce secteur ont une part de responsabilité dans ce naufrage. Ces politiques ont oublié que des dizaines, voire une centaine de navires de diverses nationalités longent tous les jours les côtes algériennes en ayant à l'esprit l'engagement de l'Algérie à leur apporter secours et assistance en cas de détresse. La priorité étant donnée, bien sûr, à la préservation des vies humaines en mer aussi bien dans les eaux territoriales que dans celles internationales, cet engagement ne doit pas être un leurre. L'Algérie doit se doter des moyens de sa politique et respecter ses engagements nationaux et internationaux.
Quelles sont les anomalies que vous avez relevées, en tant que spécialiste de la sécurité, lors de ce naufrage ?
D'abord, l'armateur a mis à la disposition du capitaine un navire qui n'était pas en état de navigabilité. En connaissant les risques de cette décision, nous pouvons dire que nous sommes devant une mise en péril de l'équipage et du bateau avec préméditation, mais aussi devant une situation de non-assistance à personnes en danger. Ce qui est une flagrante violation de l'article 479 du code maritime. L'acteur principal impliqué à ce stade précis est la Cnan. La seconde responsabilité incombe à l'autorité qui a ordonné la sortie du navire sur rade sans certificats de sécurité et sans moyens de propulsion, et à celle qui a fait pression sur le commandant pour se rendre au mouillage. Il ne peut s'agir que de la Cnan, de l'Epal ou des gardes-côtes. La troisième responsabilité incombe aux parties désignées par la réglementation pour assister tout navire en détresse ou en déperdition dans cette zone limitée. Il s'agit, en l'occurrence, de la Marine nationale avec ses moyens, des gardes-côtes, de l'Epal et des autres sociétés disposant de moyens recensés que le Cnoss pouvait réquisitionner pour les utiliser ainsi que des autres navires au mouillage dans le périmètre. Question : est-ce que l'autorité qui a ordonné la mise en rade dans ces conditions savait qu'elle exposait des vies humaines en danger de mort ? Il est important de savoir que les certificats statutaires d'un navire sont retirés par l'autorité maritime sitôt qu'il est déclaré inapte à la navigation. L'autorité maritime compétente signifie alors au commandant et à l'armateur l'interdiction de prendre la mer dans de telles conditions sous peine de sanctions prévues par le code maritime. Je me demande donc qui a autorisé le mouvement du navire du quai vers la rade en prenant le risque d'exposer l'équipage à un danger de mort sans aucun un plan d'urgence préalablement établi.
Les autorités étaient-elles au courant de cette situation ?
Le Béchar a été acquis en 1978, ce qui lui donne un âge de vingt-six ans, soit onze années de plus que la moyenne acceptée par l'administration maritime pour la délivrance d'un certificat d'algérianisation. Ce n'est pas le président-directeur général de la Cnan qui a acheté les navires, mais l'Etat algérien. L'Etat est donc censé être au courant de la vétusté de sa flotte et de son administration maritime (gardes-côtes et direction de la marine marchande rattachée au ministère des Transports).
Qu'en est-il du code ISM ?
Le navire n'est certes pas certifié ISM Code, mais la compagnie l'est. Par conséquent, elle est dans l'obligation de garantir à l'ensemble de son personnel des conditions de travail en toute sécurité. L'article 4 du code ISM stipule : « Pour garantir la sécurité de l'exploitation de chaque navire et pour assurer la liaison entre la compagnie et les personnes à bord, chaque compagnie devrait, selon qu'il convient, désigner une ou plusieurs personnes à terre ayant directement accès au plus haut niveau de la direction. La responsabilité et les pouvoirs de la ou des personnes désignées devraient notamment consister à surveiller les aspects d'exploitation de chaque navire liés à la sécurité et à la prévention de la pollution, et veiller à ce que des ressources adéquates et un soutien approprié à terre soient fournis selon les besoins. La politique de l'entreprise en matière de sécurité des navires, de sécurité du personnel et de protection de l'environnement est la première condition de la certification d'une entreprise de transport maritime au code ISM. » Au nom de cette politique, l'entreprise a pour obligation de garantir les mêmes conditions de travail en toute sécurité à l'ensemble de son personnel, à moins que les équipages non certifiés ne soient pas considérés comme tel. Si le fait de sortir le navire en rade exposait ce dernier à un risque quelconque, conformément au code ISM, il est du devoir de l'armateur de prévoir un plan d'urgence qui puisse garantir la sécurité de l'équipage et du navire. Ce plan, étudié en collaboration avec les éventuels intervenants chargés de l'assistance et de la sécurité de cet environnement immédiat, aurait eu pour avantage de recenser à l'avance les moyens de bord et externes au bord requis pour l'assistance et la sauvegarde de la vie humaine quelles que soient les conditions météorologiques. Le code ISM recommande qu'une personne désignée à terre à la sécurité puisse avoir accès direct au plus haut responsable de l'entreprise afin d'attirer son attention sur tout écart à la sécurité. La Cnan est une compagnie certifiée ISM Code. Un comité de sécurité de terre composé de personnes compétentes se réunit dès qu'un de ses navires est en difficulté. Toutes les communications entre la terre et le bord du navire sont enregistrées pour pouvoir situer les responsabilités en cas de drame. La question qui reste posée : est-ce que ce comité a les compétence requises pour assister le Béchar et son équipage ? Ce qui est certain, même avec le peu de moyens dont disposent le bord, le port et les autorités maritimes, en tant que professionnels de la mer qui ont sauvé des navires dans des situations identiques à celles du Béchar, nous aurions pu sauver les vies de ces malheureux marins si des gens disciplinés et compétents étaient à leur poste ce jour-là. Que Dieu ait pitié de ces pauvres victimes qui viennent allonger la liste de celles portées disparues en mer faute de discipline et de compétence. Le poète chanteur El Badji avait composé une chanson à la mémoire d'un ami marin pêcheur disparu qui s'intitule Bahr el toufane ou Bahr el ghamek. Aujourd'hui, le monde de la culture devra prévoir une chanson à la mémoire du pavillon national en voie de disparition avec ses marins.


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