Dans la précédente chronique , l'accent avait été mis sur la présentation du courant traditionaliste (toroqiste et islahiste) dans l'ouvrage d'Ahmed Hamdi. Aujourd'hui, il sera question du courant appelé par Hamdi, Le discours assimilationniste algérien. Celui-ci est exposé en un chapitre de 13 pages (p. 88 à 101) en deux variantes lui aussi, à savoir le discours d'intégration (p.90 à 94) et le discours de l'assimilation (p. 94 à 101). L'auteur commence par rappeler et par souligner que ce discours est le produit de la conquête coloniale et qu'il est le produit même de la colonisation. Il serait donc apparu dès le début de la conquête avec cette intention déclarée des autorités coloniales dès le 22 juillet 1834, de faire de l'Algérie une terre française prolongeant le royaume de France au-delà de la Méditerranée. Reprenant à son compte les assertions de Mostefa Lacheraf et de Djilali Sari qu'il citera dans le texte, mais aussi les analyses de Christiane Achour qu'il se gardera de mentionner, ne serait-ce que dans sa bibliographie (alors que sa thèse sur l'Abécédaire a fait autorité en la matière deux décennies durant), Hamdi relie l'émergence de ce discours assimilationniste à « la constitution d'une élite francophone formée dans les institutions éducatives coloniales à seule fin de servir au contrôle des populations et d'intermédiation entre la colonie et le peuplement indigène » (sic, p 88). Avant d'aborder la présentation explicite des deux discours, l'auteur commence par les distinguer et par les périodiser faisant alors preuve d'une certaine objectivité et d'un réel souci pédagogique. C'est ainsi que, selon lui, le discours d'intégration, discours autoritaire et répressif, est apparu pendant le XIX° siècle cependant que le discours assimilationniste serait apparu, quant à lui, entre les deux-guerres mondiales. Hamdi, dans un souci de clarté, souligne la différence de fonctionnalité et d'objectif entre les deux discours en ce sens que le premier est présenté comme coercitif et répressif reposant sur un « arsenal juridique de textes de lois, de décisions » (sic) ouvrant des droits aux colons de s'approprier les terres des Algériens ou encore des décisions plus tardives comme celle de Napoléon III, qui, en se déclarant empereur des Français et des Arabes en avril 1863 (le 22 exactement), établit de fait et de droit une discrimination entre les sujets citoyens français et les sujets indigènes avec leur statut spécifique (p 90), cependant que le second participerait d'une espèce de souci et de recherche d'altérité ! (p.89). Hamdi relève au titre de la pratique discriminatoire de l'empire français le fait que la communauté juive avait, elle, bénéficié d'un régime spécial en ce sens qu'elle eut droit par le décret Crémieux à la naturalisation avec le bénéfice de garder son statut propre, ce qui, selon lui, aurait été à l'origine de la révolte conduite par El Hadj Mokrani (?!? sic). Abordant le discours d'intégration, Hamdi le présente comme la conséquence directe de l'agression coloniale. Il précise, en outre, que ce discours était à l'adresse directe d'une élite bien ciblée devant servir à l'intermédiation entre les autorités coloniales et les autochtones indigènes, et qu'en la circonstance il visait aussi à aider à l'appropriation des terres des Algériens au profit des colons. En ce sens, précisera l'auteur, le discours d'intégration est la production et l'émanation des colonialistes (p.91). Ce discours aurait pris fin avec la crise de 1870. Hamdi explique que ce discours intégrationniste est à l'origine de la mise en place des « écoles franco-musulmanes » qui devaient servir à former une élite totalement intégrée au système colonial grâce en grande partie au fameux senatus-consulte de Napoléon III d'avril 1863 qui aurait accordé la nationalité à des autochtones indigènes sous réserve qu'ils se départissent de leurs caractéristiques spécifiques culturelles et cultuelles. Et l'auteur de préciser que cela ne s'était fait que pour une infime minorité ainsi que pour certains engagés volontaires dans l'armée coloniale en quête de promotion (p.92). Ce discours serait donc, le pendant et la conséquence de l'opération dite de naturalisation, selon l'auteur, dont le but, soulignera-t-il, était d'aider l'indigène à se promouvoir, à échapper à l'analphabétisme et à l'arriération, à s'émanciper en citoyen ainsi que le concevaient les partisans de la Voix des humbles (p. 92). Ce discours rencontrera l'opposition farouche des colons, précise l'auteur de l'étude, car il visait à intégrer l'indigène à la nation française sur la base du principe que la terre algérienne est une terre française. Ce discours s'éteindra complètement, selon l'auteur au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et ce en raison de la constitution du Mouvement national algérien, depuis la constitution du mouvement des Jeunes Algériens jusqu'à l'apparition du khaldisme (L'Emir Khaled). Ce discours ne se manifestera plus sinon à l'occasion des consultations électorales ou encore pour justifier la distinction entre deux catégories d'indigènes, ceux qui sont intégrables par la culture, par la langue, par la citoyenneté et ceux qui doivent rester tels qu'ils étaient pour servir de main-d'œuvre taillable et corvéable à merci, voire à servir de chair à canon pour les guerres coloniales de la France (p.93). Pour ce qui est du second discours, à savoir celui de l'assimilation, il serait la conséquence logique, selon l'auteur du livre, du senatus-consulte qui prévoyait une politique de francisation et de naturalisation dans le but de former et de dégager une élite d'intermédiation avec les couches populaires indigènes (p.94). Au premier rang de ces francisés, naturalisés, Hamdi mettra bien entendu les instituteurs et les lettrés qui, soulignera-t-il, ont consenti l'effort d'acquérir la culture de l'autre en négligeant et en ignorant la leur propre se livrant eux-mêmes à l'aliénation et devenant incapables de sentir et de comprendre leur peuple (sic.p.94). Hamdi fait partir ce discours assimilationniste algérien à partir du mouvement des Jeunes Algériens puis de toutes les élites qui appellent à l'assimilation et surtout après 1919 avec les premières campagnes électorales qui auront été marquées, selon lui, par l'affrontement entre les assimilationnistes et les anti-assimilationnistes à la tête desquels se trouvait, signale Hamdi, l'Emir Khaled, comme il signale aussi qu'à son tour le journal El Ouma (n°33 et 36 des années 1935 et 1936) de l'ENA s'était attaqué aux assimilationnistes. Ceux-ci étaient représentés par la Fédération des Elus du Dr Benthami qui s'était rallié à cette thèse assimilationniste après les décrets Clémenceau de février 1919 et avait fondé cette fédération en 1927 date à partir de laquelle entre en scène Ferhat Abbas comme le grand ténor et le leader de cette option qui publiera en 1931 un ouvrage sous le titre Le Jeune Algérien. Ce courant assimilationniste, nous dit Hamdi, va lui-même se subdiviser en deux sous-courants. Le premier radical ou volontariste et le second modéré ou progressif. Cette distinction précision qu'emprunte l'universitaire Hamdi à un journaliste à sensation lui permet de rappeler que le premier courant fut l'œuvre de l'école coloniale et des missions apostoliques des pères blancs et du courant communiste qui voyait dans l'assimilation le moyen idoine pour arracher les masses indigènes à la féodalité et pour étayer la thèse de la nation algérienne en formation en un melting-pot avant d'évoluer vers un assimilationnisme culturel associé à un patriotisme politique à partir de 1955, selon toujours le même journaliste. Quant au second courant progressif et modéré, il se subdiviserait d'autre part en deux courants : l'assimilation unioniste et participative d'une part et l'assimilation indépendantiste fédérative avec un statut spécial pour l'Algérie et matérialisant les options gaullistes une fois l'Algérie engagée sur le chemin de son indépendance. Hamdi Ahmed Judhur Al Khitab Al Idioloji Al Jazairi Dar El qasba lnnachr, Aljazaïr 2001, 158 pages, 120 DA