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La mairie de Paris réhabilite la mémoire de l'avocat algérien Amokrane Ould Aoudia Une plaque commémorative lui est consacrée dans le 19e arrondissement de la capitale française
Ici a vécu Me Amokrane Ould Aoudia, assassiné le 23 mai 1959 pour avoir été l'avocat de militants du FLN», peut-on lire désormais sur une plaque commémorative fraîchement apposée au niveau du 42, avenue Mathurin-Moreau, en plein quartier du Combat au 19e arrondissement de Paris. C'est tout un symbole invoquant la mémoire de résistant par la plaidoirie et la force de la loi que fut le brillant avocat algérien qui s'est mis au service de l'indépendance de son pays au prix de sa vie. Non seulement Me Ould Aoudia était très actif dans le réseau d'avocats défenseurs des membres du FLN au barreau de Paris, mais il dénonçait également la torture avec ténacité et sans concession. C'est pourquoi, il a été exécuté par les Services secrets français. En effet, cet énième crime d'Etat de la France coloniale a été signé, ou presque. Dans son article consacré à la mort d'un «avocat kabyle d'une balle de revolver», Le Monde nota l'absence de douille sur le lieu de l'exécution et d'impact visible sur le corps lors de son évacuation vers l'hôpital. C'est le médecin légiste qui finira par s'apercevoir qu'il a été victime d'une arme à feu de petit calibre. Il s'est avéré, plus tard, qu'il avait succombé à deux balles tirées d'un silencieux à bout portant. Aussitôt, la consternation a gagné ses confrères du barreau, particulièrement ceux qui activaient avec lui dans la défense des indépendantistes algériens qu'il devait rencontrer, ironie du sort, le jour de la découverte de sa dépouille pour préparer une plaidoirie devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, prévue pour le 25 mai, en faveur de plusieurs étudiants accusés d'avoir reconstitué l'Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA), dissoute par les autorités françaises en janvier 1958, qui ont été torturés durant leur détention. Depuis, ses proches et sa famille n'ont jamais cessé de réclamer vérité et justice, en vain. Près de 62 ans après sa disparition, la mairie de Paris et celle du 19e arrondissement ont organisé, le 23 novembre dernier, une cérémonie d'hommage à feu Ould Aoudia où a été dévoilée ladite plaque qui le réhabilite dans sa posture d'avocat respectable et défenseur courageux des droits humains, lui qui «a été assassiné, disent les initiateurs, pour avoir dénoncé publiquement les tortures infligées à ses clients à Paris». Ont été présents à cette commémoration très sobre, Laurence Patrice, adjointe à la maire de Paris chargée de la Mémoire et du monde combattant, François Dagnaud, maire du 19e arrondissement, de nombreux élus locaux et avocats, ainsi que des membres de sa famille, parmi lesquels, notamment son fils unique Amokrane et son cousin Jean-Philippe Ould Aoudia, médecin et auteur. Ce dernier a rendu un vibrant hommage à son parent à travers une allocution tout aussi émouvante que nécessaire pour rappeler les dérives du régime colonial. «Pendant la guerre d'Algérie, le mensonge fut systématique. Maurice Audin s'est évadé, Ali Boumendjel s'est suicidé, 3024 Algériens arrêtés pendant la Bataille d'Alger ont disparu, 3 morts à Paris le 17 octobre 1961 ! Maître Ould Aoudia, lui, fut déclaré victime d'une crise cardiaque. Il avait 35 ans. Il laissait une veuve enceinte d'un garçon. Papon, préfet de police de Paris, interdit la veillée funèbre sous le prétexte d'une 'menace de trouble à l'ordre public'. Le fils de Me Ould Aoudia est là pour honorer la mémoire d'un père qu'il ne connaîtra jamais, dont il porte le nom et le prénom», a-t-il martelé. L'orateur rappela ensuite que les services spéciaux français de l'époque reprochaient surtout à Me Ould Aoudia de dénoncer, tout au long de sa jeune carrière d'avocat de défense, l'usage méthodique de la torture par l'armée et la police coloniales pour soutirer des informations ou des aveux aux militants indépendantistes arrêtés. «Cher Amokrane, tu as eu le courage au péril de ta vie de dénoncer, dès 1957, ce qui ne sera officiellement reconnu et condamné que 61 ans plus tard, par le Chef de l'Etat lui-même, le 14 septembre 2018, c'est-à-dire l'usage généralisé de la torture en Algérie et en France. Tu as eu le courage de dire la vérité en toute légalité, avec les seules armes qu'autorise le Droit, dans le cadre de ta mission d'avocat devant les cours et les tribunaux français. Tu resteras un exemple pour ton fils et pour nous ta famille, mais aussi pour celles et ceux qui restent attachés indéfectiblement au respect de la personne humaine en France et partout dans le monde », a conclu Dr Ould Aoudia. Paris, De notre bureau Samir G. Advertisements