Le nouveau film du cinéaste algérien, Rachid Belhadj, intitulé Matares est un film poignant, émouvant et cru. Car il parle de la cruauté et de la détresse humaine des migrants subsahariens, du drame enduré par leurs enfants en Algérie. Un film à message. Il a été étrenné, jeudi soir, à la salle d'Ibn Zeydoun à Alger, en présence du réalisateur. Rachid Belhadj, auteur des films La Rose des sables, Touchia : cantique des femmes d'Alger, Mirka, Le Pain Nu, Parfums d'Alger ou encore L'Etoile d'Alger est de retour avec un long-métrage Matares – meilleur long métrage au Festival du Film du Maghreb 2021, à Haarlem (Pays- Bas), meilleur long-métrage de fiction à la 17e édition du Festival international de Cannes (France) du Film panafricain -saisissant, troublant, émouvant et en même temps onirique. Car il parle du monde merveilleux. Celui des enfants, qu'ils soient Noirs ou Blancs, qui ne cherchent qu'à rêver, à s'évader et à jouer puérilement. Dans un environnement hostile. Le film de Rachid Belhadj, Matares, est une coproduction entre le Centre algérien de développement du cinéma (CADC) et l'Agence Nour Films avec le soutien du Ministère de la Culture et des Arts. Le pitch ? Mona, une Ivoirienne de 8 ans a fui son pays en guerre pour s'installer avec sa mère à Tipasa, une ville côtière algérienne réputée pour ses ruines romaines : Matares. Pour payer le passeur qui l'emmènera en Italie chez son père, la petite Mona vend des fleurs aux touristes qui viennent visiter les ruines romaines. Malheureusement, Matares est la chasse gardée du petit Saïd, un Algérien de dix ans qui vend lui aussi des fleurs aux touristes. Un sentiment de haine va naître dans le coeur du garçon qui va faire la guerre à cette étrangère, et fera tout pour chasser de son territoire cette fille bizarre qui parle aux fleurs... Dorian Yohoo et Anis Salhi crèvent l'écran Les premières images du film Matares de Rachid Belhadj sont d'un noir et blanc très solennel et grave. Elles sont apocalyptiques. Elles montrent l'horreur contre des humains, des civils, en Afrique. Des images vertigineuses, terribles. Elles sont documentaires. La guerre, des bombardements, des armes lourdes brandies, des exécutions sommaires, des massacres, des camps de réfugiés, la traite des êtres humains, des déplacements, des déportations, des colonnes infernales, la contrebande, des murs de la honte qui s'érigent contre ces gens fuyant la bête immonde, des pleurs d'enfants...Un spectacle de désolation. Dès le début, Rachid Belhadj installe le corollaire, le rapport cause à effet, la conséquence, de la folie meurtrière sur le continent africain. « Matares » met en vedettes deux enfants, deux acteurs, Dorian Yohoo- meilleure actrice principale au Festival International de Cannes (France) du Film Panafricain- incarnant Mona et Anis Salhi dans le rôle de Saïd- Prix du meilleur acteur au Festival du Film du Maghreb 2021, à Haarlem (Pays Bas)-Et ces deux là, crèvent l'écran. Ils portent le film, eux les petits. Mais, ils sont grands, plus grands que les adultes à travers leurs monde merveilleux, onirique et philosophique. C'est innocence face à la brutalité des hommes, de certains êtres «inhumains». Habitant un bidonville, on apprend Mona à mendier d'une manière professionnelle : «Porter le hidjab, brandir une tasse en plastique, répéter tout le temps «sadaka sadaka» (obole, offrande) et brandir un exemplaire du Saint Coran. Pourquoi ? On lui explique : «Parce que les Algériens ont peur du Coran.» Contre l'atroce exploitation inhumaine des enfants Alors que Mona ne rêve qu'à vendre du bonheur, des couronnes de marguerites au touristes algériens à Matares, croire à «Jésus» d'une manière païenne, penser à rejoindre son père de l'autre côté de la Méditerranée, en Italie, et puis arrêter cette «guéguerre» avec Saïd, qui la trouve envahissante, déloyale et une sérieuse concurrente. Alors que Saïd, certes défend son territoire, n'est pas aussi hostile que cela. Lui aussi, est un rêveur, il confectionne des avions en papier des...billets de 2000 DA. Saïd, demeure un enfant, il n'est pas cupide. Son monde n'a aucun rapport avec l'argent et surtout sale. De ce différend enfantin, naîtra une camaraderie face la « jungle » ambiante. Saïd défendra, viendra même au secours de la petite Mona. Car dans le film de Rachid Belhadj, on évoque et dénonce à travers une caméra «crue» et «cruelle», l'exploitation pour ne pas dire la surexploitation des enfants, qu'ils soient migrants ou pas, victimes de la traite des êtres humains, de violences, les traumatismes encore une fois inhumains, les châtiments corporels qui leur sont infligés... A vrai dire, Mona, la petite ivoirienne et Saïd, le kid algérien, dans leurs échanges, dialogues et querelles «florales» surgira, une dialectique, une philosophie. Le film est très actuel. Ce sont ces gosses, régimentés, dans les rues algériennes, par une organisation tentaculaire les exploitant atrocement et sans scrupules. Ces enfants ne sont pas programmés à vivre et survivre cette façon. Un gosse ça va à l'école, ça joue, ça rêve, ça rit. Le cinéaste Rachid Belhadj semble délivrer un message fort en matière de droits des enfants : vivre décemment. Il entre dans l'art Né en 1949 à Alger, le réalisateur Benhadj a obtenu son diplôme de réalisateur d'un institut français. Il a réalisé plusieurs films notamment L'Albero dei destini sospesi (1997). Egalement artiste peintre, il réalise dès 1979 plusieurs téléfilms et documentaires. En 1992, il tourne Touchia, qui obtient en 1994 le Prix du public au 4e Festival du cinéma africain de Milan, en Italie. Il s'installe en Italie, où il vit toujours, et y réalise un moyen métrage, L'Ultima cena (1995), ainsi que deux de ses derniers longs métrages. Il est professeur dans une école pour réalisateur cinématographique à l'Académie de Cinécitt à Act Multimédia. Advertisements