Le refus de la Cour d'Alger d'accorder la liberté provisoire à Mohamed Benchicou, en dépit de sa situation de santé jugée « extrêmement grave », a suscité de vives inquiétudes au sein du collectif de ses avocats et du Comité de soutien à la liberté d'expression et à la libération de Mohamed Benchicou. Se référant aux affirmations du médecin traitant de Mohamed Benchicou, Me Benarbia a déclaré, hier, lors d'une conférence de presse animée au siège du quotidien Le Soir d'Algérie, que le directeur du Matin risque une paralysie de sa main droite en plus des complications qui pourraient se greffer à son état de santé qui se dégrade de plus en plus. Me Benarbia précise que le médecin traitant, le professeur Ioualalen, a avoué son incapacité de traiter et diagnostiquer valablement Benchicou à l'intérieur de la prison. « Même le responsable de l'administration pénitentiaire d'El Harrach nous a affirmé qu'il a transmis la demande des avocats au procureur général », dira Me Benarbia en ajoutant avec regret qu'aucune réponse ne leur a été signifiée. L'avocat tient à attirer l'attention sur le problème de responsabilité devant la détérioration de la santé de Benchicou. A ce sujet, M. Brerhi souligne qu'il s'agit de non-assistance à personne en danger et suggère aux avocats d'interpeller le garde des Seaux.. Me Benarbia n'arrive pas à admettre le silence de l'institution judiciaire. « Dans la forme, Benchicou offre toutes les garanties stipulées par la loi. Dans le fond, c'est une personnalité connue du monde médiatique. Il n'est pas un repris de justice », explique M. Benarbia. Pourtant, dira-t-il, le nouveau contexte politique tissé sur fond de réconciliation nationale et d'amnistie en plus des déclarations mielleuses du ministre de la Communication ont fait naître une certaine confiance, même avec naïveté, chez le collectif des avocats. « Même Farouk Ksentini, président de la Commission consultative et de promotion des droits de l'homme, a réitéré, devant la télévision et dans les colonnes de la presse, que la manière avec laquelle Benchicou a été incarcéré ne se justifie pas », relève Me Benarbia en annonçant que la bataille s'inscrit désormais dans la prise en charge réelle du détenu. Son collègue, Me Bourayou, considère que le rejet de la demande des avocats est éminemment politique. « Il ne faut pas chercher des justifications juridiques à cette décision », juge-t-il en concluant que les rancœurs ne sont pas encore apaisées. « Benchicou n'est pas considéré, aujourd'hui, comme un simple détenu. Il est considéré comme un détenu à part », dénonce Me Bourayou. « Mais on voudrait, probablement, faire en sorte que Benchicou sorte diminué physiquement, moralement et psychiquement », estime Bourayou qui affirme que les demandes du médecin de Benchicou pour transférer le détenu vers un hôpital ont été refusées. Me Bourayou indique que le but visé par le maintien de l'incarcération de Benchicou consiste « à faire perdurer cette politique d'intimidation contre la presse ». L'avocat fait remarquer une régression des droits et des libertés, une situation de survie de la presse libre en Algérie. En guise d'actions de solidarité, 105 syndicats étrangers vont interpeller les ambassades d'Algérie dans ces pays en plus d'une lettre remise au maire de Paris qui sera à Alger ce lundi. Une large campagne de mobilisation internationale couronnée d'une pétition a été rendue publique, hier. Des centaines de personnalités politiques, d'intellectuels, de journalistes, d'acteurs et de chanteurs, d'écrivains et de philosophes ont déjà signé la pétition pour combattre les atteintes à la liberté de la presse en Algérie et exiger la relaxe des journalistes du Matin et la libération de Benchicou. Parmi les figures pesantes, on trouve Henry Alleg, ancien directeur d'Alger républicain, Eliane Assassi, sénatrice, Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste français à l'Assemblée nationale, Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF et députée de Seine-St-Denis, Mohamed Harbi, émérite historien algérien, Janine Jambu, député PCF, Arnaud Montebourg, député PS, Guliana Sgrena, journaliste à Il Manifesto, ancienne otage en Irak, Gérard Valles, rédacteur en chef de FR3 Ile de France-Centre, Jean-François Voguet, sénateur-maire de Fontenay-sous-Bois, et Roland Weyl, avocat et vice-président de l'Association internationale des juristes démocrates. Des discussions sont en cours pour faire adhérer à cette liste préliminaire François Hollande et François Bayrou de l'UDF.