Le Colloque international sur le dramaturge Abdelkader Alloula, organisé conjointement par la fondation du même nom, représentée par sa présidente, Mme Raja Alloula, ainsi que l'université d'Oran, a été ouvert dimanche matin à l'IGMO en présence du recteur de l'université d'Es Senia et du doyen de la faculté des lettres, langues et arts. Présidée par Ahmed Hammoumi de l'université d'Oran, la séance de la matinée a été caractérisée par les interventions respectives de Mme Djazia Fergani de l'université d'Oran, Benamer Mediène de l'université d'Aix-en-Provence et de notre confrère Bouziane Benachour. La première s'est référée aux grands théoriciens du théâtre universel pour expliquer comment le dramaturge algérien a réussi à établir des jonctions entre les exigences de la scène italienne et des formes inspirées du patrimoine national, en citant El Halka. Elle dira que si la théorie brechtienne reste un référent essentiel, Alloula a su néanmoins fonctionnaliser d'autres éléments pour produire une esthétique propre. Le deuxième s'est intéressé à l'œuvre, mais surtout à l'homme, avec qui il a eu à partager une amitié. S'il est revenu sur les derniers moments de sa vie, c'était surtout pour dire que « l'humanité qu'il transportait avec lui l'a aveuglé » au point d'ignorer la menace. Alloula, homme de gauche sans chapelle dogmatique, est salué, non seulement pour ses engagements purement humanitaires, mais aussi pour son implication en tant que citoyen. Le troisième, auteur de deux ouvrages sur le théâtre algérien, a considéré Alloula comme appartenant à une troisième génération, non au sens biographique du terme, mais par rapport à l'histoire ou à la marche du théâtre algérien. Cependant, la période qu'il embrasse va du milieu des année 1960 au milieu des années 1990. De l'université d'Alger, Saïda Benâalam a rendu compte d'un travail sur cette langue particulière qui caractérise les œuvres de Alloula, située entre l'arabe classique et le parler populaire algérien. L'intérêt de sa communication réside dans son approche statistique des locutions et vocabulaire utilisés et où il ressort que le monde du travail (travailleurs, syndicat, usine, couche ouvrière, etc.) est fortement représenté, au même titre que les chants, les légendes et les codes de communications puisés du terroir. Ahmed Hamoumi a traité de la problématique de l'artiste militant dans le monde arabe, avant de revenir vers Alloula qu'il qualifiera de visionnaire quand il composera El Goual (jouée en 1982, mais qui a dû être entamée en 1979), annonçant déjà une profonde mutation de la société avec le changement de cap opéré au niveau politique. Marina Da Silva, qui a découvert Alloula au Portugal lors d'un festival international de théâtre, s'interroge sur la non-diffusion de ses œuvres à l'étranger, malgré un immense succès qu'a eue la pièce traduite en français, Les Généreux, interprétée par un panel de comédiens algériens de valeur. Elle annonce la traduction et l'interprétation de Homq Salim au Portugal et exprimera, par ailleurs, la fascination qu'a suscitée la découverte de l'expérience El Halqa. Découvert notamment après son assassinat, c'est, selon elle, l'inscription de son théâtre dans la réalité sociale qui a d'abord suscité un engouement à l'étranger. Elle cite un texte de Bourdieu en évoquant le festival d'Avignon où les généreux ont reçu un accueil impressionnant. L'Egyptien Ahmed Ismaïl (« Pour un théâtre proche du peuple »), ayant lui-même tenté une expérience dans un village de son pays, a évoqué un projet d'échange entre lui et Alloula, chez qui il a décelé un immense amour pour ses concitoyens, mais aussi un théâtre qui n'est pas un cachet, mais plutôt un horizon ouvert. Safia Metahri de l'université d'Oran est revenue sur l'expression linguistique dans l'interprétation théâtrale pour clore cette première journée.