La délégation d'Amnesty International (AI), en visite à Alger depuis le 6 mai, poursuit son travail de collecte d'information en prenant attache avec les principales ONG locales. Sans bruit. Car les deux membres de cette délégation, Uta Simone (Allemagne) et Phillipe Luther (Angleterre), mènent leur travail loin des feux de la rampe, dans une discrétion totale. Même l'ordre du jour n'a pas été communiqué à la presse par les membres de la délégation, mais plutôt par les différentes associations qui ont eu à les rencontrer. Il est précisé, selon le communiqué de presse diffusé sur le site web d'AI, que le chef de la délégation arrivera le 19 mai à Alger en compagnie d'un Mexicain spécialiste des amnisties dans le monde. Ce dernier se consacrera à la question de l'amnistie générale, projet ambigu du Président Bouteflika. Maître Mustapha-Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l'homme (CNCPPDH), recevra cette délégation. Se déclarant « ouvert à toutes les questions », maître Ksentini, joint hier par téléphone, a fait état des principaux points de cette rencontre, à savoir l'amnistie générale, la réconciliation nationale, les droits de l'homme, les dossiers des disparus et de la presse. « Je vais la recevoir cette semaine. La date que j'ai fixée jusque-là, sauf défection de sa part, est celle-ci, en me disant qu'après tout ce temps passé à Alger, elle aurait eu une idée suffisamment claire des revendications et des craintes des associations et ONG locales, ce qui me permettra de mieux cerner toutes ces questions avec elle », nous a-t-il indiqué, affirmant que « si cette ONG internationale est autorisée à venir en Algérie, c'est parce que la CNCPPDH avait fait pression sur les autorités du pays ». Après SOS disparus (à deux reprises) et la LADDH d'Ali-Yahia Abdenour, la délégation a vu, mercredi dernier, Ali Merabet, président de l'association des familles des disparus enlevés par les groupes islamistes armés, Somoud. Les discussions, ayant duré trois heures, ont porté sur l'amnistie générale, la commission ad hoc présidée par maître Farouk Ksentini et la situation des femmes violées notamment par les terroristes islamistes armés durant la décennie rouge. Selon M. Merabet, « les membres de la délégation se sont montrés disposés à nous écouter ». « Je les ai interpellés sur le fait qu'Amnesty International continue à occulter l'aspect relatif aux disparus enlevés par les groupes islamistes armés, à savoir notre cas. Comme je leur ai demandé les raisons pour lesquelles ils n'ont jamais usé du terme ‘terroriste' dans leurs rapports établis sur les disparitions forcées, les exécutions sommaires et extrajudiciaires et les massacres collectifs commis durant la décennie passée, mais plutôt celui de ‘groupes armés'. Ils m'ont fait savoir qu'il s'agissait d'une appellation internationale tout en me promettant qu'ils étaient prêts à revoir la terminologie employée », nous a-t-il déclaré, avant de souligner qu'une autre rencontre aura lieu une fois le chef de la délégation à Alger. Fatma Yous, présidente de SOS disparus, qui l'a rencontrée jeudi dernier pour la deuxième fois, a affirmé que la délégation est en train de mener une enquête sur la situation sociale des familles des disparus ainsi que sur les difficultés auxquelles elles sont confrontées sur le plan judiciaire, notamment la problématique des plaintes qui demeurent jusqu'à présent sans suite aucune, quand ce n'est pas un non-lieu. Il est également prévu que cette délégation prenne langue avec le ministre de l'Intérieur. Selon une source informée, les deux membres qui sont à Alger ont été reçus jeudi dernier par un responsable au ministère de l'Intérieur. Toutes nos tentatives de confirmer cette information se sont avérées vaines. La délégation compte aussi s'entretenir avec les membres de la Commission nationale pour l'amnistie générale (CNAG). Une délégation de l'ANFD, conduite par sa présidente Mme Lila Iril, a, en outre, rencontré aujourd'hui Luter Philipe d'Amnesty International. L'entretien a porté sur les personnes disparues enlevées par les corps constitués de l'Etat. Sans s'attarder sur la genèse connue de tout le monde, les membres de l'ANFD ont rappelé que « le combat public des familles, commencé en 1998, se heurte à l'absence de volonté politique de l'Etat de faire la lumière sur des milliers de personnes dont les familles sont sans nouvelles ».