La délégation d'Amnesty International (AI) a rencontré hier à Alger Me Farouk Ksentini, le président de la Commission consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (CCPPDH). Plusieurs sujets ont été abordés par la délégation de cette organisation non gouvernementale (ONG) de défense des droits de l'Homme, présente au grand complet (Philip Hensmans, le chef de la délégation, Javier Zunija, l'expert mexicain en matière d'amnistie, et les deux délégués d'AI, Uta Simon et Philip Luther) à la rencontre. Il s'agit, notamment de la question de violences contre les femmes, de la torture, du problème de l'impunité et des menaces qui pèsent sur la liberté d'expression et de la presse en Algérie. Sur ce dernier point, les membres de la délégation se sont dit sérieusement préoccupés par la situation de la liberté de la presse en Algérie. “Nous sommes inquiets du harcèlement permanent contre la presse écrite et des récentes condamnations contre les journalistes ainsi que les fortes amendes qui leur sont exigées”, s'est élevé Philip Hensmans, le chef de la délégation. Selon lui, le harcèlement de la presse est de nature “à provoquer une autocensure restrictive de la liberté de la presse chez les journalistes, ajouté aux difficultés d'accès aux sources d'information”. Préoccupé par l'emprisonnement depuis près d'une année de Mohamed Benchicou, le directeur du quotidien Le Matin, le chef de la délégation d'AI a demandé des explications à Me Farouk Ksentini. Ce dernier a, en effet, indiqué qu'il s'agit là “d'un abus en matière de détention préventive”. Expliquant que “quand on est une autorité publique, on est forcément exposé à la critique”, Philip Hensmans a néanmoins dénoncé l'emprisonnement des journalistes. “Les journalistes ne doivent pas aller en prison”, a-t-il estimé tout en martelant qu'“il est anormal qu'un journaliste soit jeté en prison !” La question de la femme en Algérie a également suscité l'attention de l'ONG internationale. Relevant l'importance des violences “domestiques et des viols” contre les femmes, le chef de la délégation a néanmoins regretté l'absence de statistiques sur ces violences intolérables. En abordant les derniers amendements introduits au code de la famille, Philip Hensmans n'a pas manqué de mettre en avant “l'absence d'égalité entre l'homme et la femme en matière de divorce”. Le projet présidentiel portant réconciliation a fait également l'objet de critiques de la part des hôtes de Ksentini en ce sens que tout processus similaire devrait être précédé “de la recherche de la vérité et de l'institution de la justice”, a déclaré Hensmans. Aux yeux du chef de la délégation, “la justice doit jouer un rôle prépondérant dans ce genre de processus avant de procéder à une réparation des victimes”. Aussi et tout en exprimant des réserves au sujet du concept de réconciliation nationale, Philip Hensmans a souhaité rencontrer Ahmed Ben Bella, le président d'honneur de la Commission pour l'amnistie générale (Cnag) pour en savoir plus. Abordant la question de la torture, Me Farouk Ksentini, qui n'a pas exclu l'existence de dérapages lors des arrestations par les services de sécurité et à l'occasion de détentions, a néanmoins condamné ces pratiques. Le chef de la délégation d'AI n'a pas manqué, quant à lui, de souligner l'impératif de bannir ce genre de pratiques. NADIA MELLAL