Après une longue résistance autour de 50 dollars le baril, les prix du pétrole ont fini par reculer sur un apaisement des craintes d'une pénurie de pétrole au 4e trimestre, période de très forte demande en raison de l'hiver dans l'hémisphère nord. La pression semble baisser sur le marché grâce à quelques facteurs importants, comme la révision à la baisse du rythme de croissance de la demande mondiale pour 2005, le gonflement des stocks aux Etats-Unis et une légère reprise du dollar par rapport à l'euro après l'annonce de la forte réduction du déficit commercial pour le mois de mars. La reprise de la monnaie américaine pourrait même faire baisser l'activité des fonds d'investissements sur le marché pétrolier. Ce qui ferait baisser la prime de la spéculation. Vendredi, le baril de brut à New York est même descendu à 47,96 dollars, tandis que le brent a baissé jusqu'à 48,01 dollars, soit une perte de 3 dollars environ par rapport à la semaine d'avant. Ces niveaux n'ont pas été enregistrés depuis le 18 février à New York et le 22 février à Londres. Ce recul des prix devrait soulager l'Opep qui est sous pression depuis quelques mois de la part des grands pays consommateurs. La faiblesse de la capacité additionnelle de production de brut qui permet d'intervenir pour réguler le marché et l'équilibre très serré entre l'offre et la demande a focalisé l'opinion sur l'organisation dont les pays pompent pourtant au maximum de leurs capacités. Le marché a été surapprovisionné et des facteurs comme le manque de capacités de raffinage ou les problèmes géopolitiques couplés à l'activité des fonds d'investissements ont maintenu les prix à un très haut niveau, les faisant même rapprocher de la barre des 60 dollars le baril. Cette situation a même donné lieu à une réaction ironique du ministre saoudien du Pétrole, le 21 avril dernier, qui s'est permis une plaisanterie en déclarant à des journalistes : "Mais vous pouvez trouver des clients pour nous et nous les envoyer, nous serons très heureux de satisfaire leur demande." Ralentissement Les acteurs principaux, producteurs et consommateurs, qui semblaient désemparés ces derniers mois, ont espéré un ralentissement de la demande pour éviter une situation de pénurie au 4e trimestre vu que l'offre mondiale de pétrole pourrait ne pas suffire pour répondre à la très forte demande attendue pour l'hiver prochain. A l'Opep, une véritable course contre la montre a été déclenchée pour augmenter les stocks et confectionner un matelas pour la demande de l'hiver prochain. Tous les pays produisent au maximum de leurs capacités (29,76 mbj en mars et 30,3 mbj en avril, y compris l'Irak, selon l'Opep) et la notion de quota est devenue superflue. Les premiers résultats sont là. Mercredi, le département américain de l'Energie a annoncé une augmentation des stocks de brut d'environ 2,7 millions de barils, à 329,7 millions de barils. Les stocks d'essence qui influent aussi sur les prix ont eux aussi augmenté de 800 000 barils, à 213,7 millions de barils. Les stocks de distillats ont augmenté de 1,7 millions de barils, à 104 millions de barils. Dans la même journée où ont été annoncées ces augmentations, le baril perdait déjà environ 1,5 dollar. Ce niveau des stocks est le plus élevé depuis le mois de juillet 1999, selon les statistiques. De même que les stocks d'essence qui sont à leur plus haut niveau. Cette augmentation des stocks a été confortée par les chiffres de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui a revu à la baisse les prévisions de la demande mondiale de pétrole suite au ralentissement de la consommation. Pour le 4e trimestre de 2005, l'AIE prévoit un ralentissement de la demande mondiale à 1,7 million de barils, contre 2,4 millions de barils en 2004 pour la même periode. Ce chiffre devrait faire baisser la tension et éviter d'emmener les prix vers un niveau insoupçonnable. La demande chinoise a ralenti à 4,5% au 1er trimestre 2005, contre plus de 19,3% pour le 1er trimestre 2004, selon l'AIE. La croissance de la demande aux Etats-Unis et en Europe est plus mesuré avec respectivement 2,2% et 1,1%. La croissance de la demande chinoise est revue à la baisse : 7,4% contre 7,9% précédemment. En 2004, la croissance de la demande en Chine a été de 16%. Toutefois, la croissance de la demande mondiale reste ferme à 2,2% (avec 84,3 mbj), contre 3,5% en 2004, porté par les demandes américaine et chinoise. Au 1er trimestre 2005, la demande mondiale a augmenté de 1,89 million de barils, soit 0,29 million de barils de moins que prévu. Si ces chiffres éloignent le spectre d'une envolée des prix à un très haut niveau avec la crainte d'une pénurie, ils ne devraient pas favoriser une très forte baisse du marché. Cette tendance devrait jouer en faveur de l'Opep pour atténuer les pressions qui sont dirigées contre elle et éviter un ralentissement de la croissance de l'économie mondiale qui ferait baisser la demande en pétrole. Un niveau élevé des prix peut aussi orienter les consommateurs vers d'autres sources, telles que le nucléaire. Vers la fin du mois d'avril, le Président américain Georges Bush a publiquement appelé au développement du nucléaire, en citant l'exemple de la France qui produit près de 80% de son énergie électrique grâce au nucléaire. Aux Etats-Unis, seuls 20% de l'énergie électrique sont produits grâce au nucléaire. Durant l'année 2000, des experts avaient conclu qu'à partir de 30 dollars le baril, le pétrole pouvait être concurrencé par le nucléaire. Et depuis la hausse des prix au-dessus de 30 dollars à partir de 2003, plusieurs pays développés envisagent la construction de centrales nucléaires. Aux Etats-Unis, aucune centrale n'a été construite depuis près de 30 ans.