23h. La salle omnisports de Maghnia est surchauffée. Le DJ a du mal à faire patienter le public quasiment en transe. On gesticule à la limite de la nervosité du côté de l'entrée des officiels. Ben Bella, majestueux, entouré de ses invités de marque, fait son apparition. Un tonnerre d'applaudissements l'accueille. Il regarde, ému, toute cette jeunesse dont une grande partie ne connaît pas grand-chose de son itinéraire, de son parcours, de sa cause. Si ce n'est qu'il est l'enfant de Maghnia. Un enfant pour lequel on a allumé les projecteurs. Depuis quelque temps seulement. Lui, l'homme qui prône le pardon. Les flashes crépitent. Si Ahmed s'assoit, puis se relève. Il ne peut rester indifférent à tant d'égards. 23h 30. Mohamed Lamari surgit de nulle part. Il chante en play-back. Insaisissable ce Mohamed qui s'est impliqué dans toutes les causes nationalistes. Il s'accroupit, court, s'immobilise, lève la main au ciel. Il interpelle Ben Bella qui tape des mains. Son épouse Zohra aussi. Lamari descend de la scène et chante à genoux devant le Président. La scène est anesthésiée. C'est difficile de décrypter le sens des paroles adaptées à la situation. On se lève pour saluer l'artiste qui disparaît. A sa manière. Blaoui Houari, quoique fatigué, monte sur scène. Le chantre de la chanson oranaise, égal à lui-même, calme les esprits. Il nous réhabilite avec la chanson. Zohra se lève et danse. Tout le monde danse. Cheikh Blaoui, après trois morceaux d'anthologie, demande une quatrième. Celle de Zabana. Attentif, le Président, ce bel homme, a les larmes aux yeux. Hamdi Bennani lui succède. Ensuite Ghaffour. Les heures défilaient à une cadence telle que la notion du temps n'avait pas de notion. L'ambiance a raison sur la fatigue et la chaleur. Malgré l'âge et les sollicitations, Ben Bella tenait à terminer la soirée. Il est 3h. Les lumières de la salle s'éteignent. La ville reste allumée. Maghnia ne dort pas...