Ancien cadre supérieur au ministère de la culture et de l'information, il y a quelques années, directeur général adjoint de l'Unesco, l'algérien Mounir Bouchenaki a abordé plusieurs aspects de la protection juridique du patrimoine culturel dans le monde. Ses impressions aux côtés de celles de Sid Ahmed Baghli, délégué permanent de l'Unesco à Alger ; Marina Schneïder, chargée d'étude à l'institut Unidroit à Rome, et de M. Rahmaoui, administrateur et maître de conférences associé, prennent tout leur sens à la lumière du colloque international de Annaba sur la protection juridique du patrimoine culturel. Mounir Bouchenaki a profité de cet afflux de population scientifique pour parler de cette protection dans le cadre de la mission dévolue à l'institution qu'il représente. Dans quel cadre doit-on placer votre participation à ce colloque international sur la protection du patrimoine culturel à Annaba ? Le plus important est que ce colloque doit nous permettre de réaliser des échanges d'expérience dans le domaine de la protection globale du patrimoine. Certains pourront découvrir les nouveaux textes adoptés par l'Algérie en matière de protection du patrimoine globale. A mon avis, ce rendez-vous est important pour asseoir davantage la recherche approfondir et renforcer la coordination des efforts de différents services. Je peux affirmer que plusieurs objectifs ont été atteints, notamment en matière d'inventaire du patrimoine, d'application de méthodologie, une mise en page spéciale dans l'élaboration des textes d'application de la loi du patrimoine en Algérie et, enfin, la lutte contre le trafic. Dans ce colloque, les interventions des services de prévention et de répression nous ont parues extrêmement techniques et ciblées. Des exemples précis de ce type d'opérations ont été cités sur ce qui peut être traité dans la lutte contre le trafic illicite des œuvres d'art. Cela ne représente malheureusement qu'un pourcentage réduit par rapport à l'ampleur du fléau. La contribution modeste de l'Unesco dans ce séminaire est surtout un rappel. En ce qui me concerne, j'ai essayé de rappeler quel était l'arsenal juridique et normatif que l'Unesco avait mis en place depuis 1954 jusqu'à nos jours à travers les conventions et recommandations de l'Unesco relatives à la sauvegarde du patrimoine culturel. Après la mise à sac du musée national de Baghdad avec pour conséquence la destruction ou la disparition de quelque 13 000 pièces d'une valeur culturelle inestimable, l'on a affirmé que ce dossier n'a pas fait tellement bouger les institutions et l'opinion publiques internationales, dont l'Unesco, comme cela s'est fait pour une affaire similaire en Afghanistan, notamment lors de la destruction des sites archéologiques par les talibans ? J'apporte ici quelques correctifs. l'Unesco a toujours agi dans le cadre de sa mission et loin de toute démarche subjective. Notre institution s'est occupée et s'occupe toujours de toutes les situations conflictuelles qui touchent au patrimoine. Dans ce cadre, pas un seul coin du monde n'a été occulté. Le 17 avril, l'Unesco a organisé à Paris une réunion de tous les chefs de missions archéologiques qui ont travaillé en Irak. Le soir même un communiqué d'appel pour la sauvegarde du patrimoine irakien a été émis. Le 6 mai 2003, j'ai coprésidé avec le DG d'Interpol à Lyon une réunion sur le pillage du musée de Baghdad. Le 15 mai, j'ai conduit une mission à Baghdad. Le 20 mai, je suis revenu à Paris avec un rapport sur le musée de Baghdad et les objets qui ont été volés, sur la situation de la bibliothèque nationale de Baghdad qui a été brûlée, sur le Musée des beaux-arts, celui des arts et traditions populaires, de l'Institut des musiques et de beaucoup d'autres institutions liées au patrimoine culturel de ce pays. Outre la large médiatisation de toutes les opérations réalisées par l'Unesco, nous avons également 4 volumes de publication de presse. Pour la première fois dans les annales des résolutions de l'ONU on a parlé, en juin 2003, du trafic illicite des œuvres d'art et du travail de l'Unesco. Depuis ? Il ne se passe pas un mois sans que des stages de formation soient organisés au profit des douanes et policiers irakiens. L'Unesco a aussi organisé les assises culturelles et nous avons financé les 2e assisses culturelles de l'Irak à Baghdad. Je pense qu'aucune organisation mondiale n'a fait autant pour l'Irak. Malheureusement, la presse n'est pas informée. N'est-ce pas suffisant pour démentir ce qui se dit sur une prétendue politique de deux poids, deux mesures de l'Unesco. L'Algérie a été de tout temps victime d'atteinte à son patrimoine culturel à travers des vols, à l'exemple de celui du Tassili ou celui plus ancien du musée d'Oran. Quelles sont les possibilités d'intervention de l'Unesco à ce stade ? En détachement à l'Unesco, je suis constamment en contact avec notre ministère de la Culture. Durant mes séjours au pays, je ne rate pas une occasion pour m'entretenir avec mes collègues du ministère. A la veille de ce colloque, j'y ai passé 4 heures et j'ai été reçu durant 1 heure par la ministre Khalida Toumi. Nous n'avons pas reçu de demande en ce sens et s'il y en avait eu, il aurait été déplacé de ne pas y répondre. L'Algérie a demandé l'inscription de plusieurs projets dont la mise en place d'un chantier à La Casbah d'Alger, un plan d'aménagement de l'Unesco pour le M'zab et une formation spécifique pour la restauration des sites archéologiques en danger. L'Algérie nous a saisis pour le vol des deux toiles du Musée des beaux-arts d'Oran. Nous avons averti immédiatement Interpol et différentes autres institutions internationales, dont le Conseil international des Douanes. Nous n'avons pas, par contre, été saisis du vol des 7 têtes de Septime Séver du musée de Guelma. J'ai appris par mes collègues tunisiens qu'elles avaient été localisées et qu'en accord avec la police algérienne elles ont été restituées.