Le Festival européen, côté musique, a été entamé dimanche soir à Oran par la double prestation du trio L'âme des poètes qui s'est associé au groupe de jazz Sinouj de Constantine pour cette tournée nationale. Ces derniers, se produisant pour la première fois sur la scène du TRO, n'ont pas mis beaucoup de temps pour séduire un public qui venait de les découvrir mais qui les a tout de suite adoptés. Sinouj démontre ainsi qu'il est un groupe caractérisé avant tout par la complémentarité, car chacun de ses éléments Omar (basse), Aziz (batterie), Larbi (violon) ou Farid (guitare électrique) imprime sa marque personnelle, quelque chose à proposer dans l'édification des thèmes musicaux interprétés. Au-delà des influences occidentales et ce qui peut être apparenté à des sonorités orientales (violon notamment), les morceaux proposés au public sont avant tout imprégnés de couleurs locales que Sinouj a explorées en leur apportant une touche personnelle imposée aussi par le choix du matériel électrique et des effets qu'il permet. Quand elles ne relèvent pas de créations difficiles à décoder, les compositions partent souvent d'airs reconnaissables qui se fondent ensuite dans les différentes improvisations. Les rythmes caractéristiques du Maghreb ( diwan, karkabou ) ont fait réagir le public oranais, particulièrement sensible à ce genre de pratiques séculaires reprises maintenant par beaucoup d'artistes. Mais on a beaucoup applaudi également la reprise qu'a faite Sinouj d'une chanson de Mami inspirée d'un thème du chanteur Idir qui s'est, lui-même, inspiré d'un air de la région chaouie. Un tour d'horizon caractéristique de la richesse du groupe. Beaucoup d'humour mais aussi de profondeur caractérisent le groupe de Wallonie-Bruxelles, L'âme des poètes, un trio formé par Fabien Degryse (saxophone soprano), Jean-Louis Kassinfosse (contrebasse) et Pierre Vaïana (guitare acoustique). Leur prestation s'est avéré un véritable régal avec « la traduction en jazz des airs connus pour une meilleure communion », Jean-Louis ne s'est pas trompé de recette. C'est à tel point, a-t-il ironisé, que son groupe ambitionne de reprendre en plusieurs CD l'ensemble du répertoire de la chanson française, des fondateurs Trenet, Piaf, Ferrer jusqu'aux plus récents en passant par Brassens, Brel puis Gainsbourg, etc., un projet (la chanson française instrumentale comme il aime la définir) dont il a estimé la réalisation vers l'année 2212 ! Cependant derrière l'ironie, les subtilités langagières et les jeux de mots dont il a usés se cache en vérité une véritable profondeur de l'âme et sous l'apparente insouciance (qui se traduit par une aisance affichée sur scène) se cache un sérieux travail de composition. L'harmonie qui se dégage de l'ensemble et les coulées mélodiques des solistes interprétées avec une rare dextérité laissent peu de place à « la plaisanterie. » La prestation de L'âme des poètes a été entamée avec un air de Brel : Quand on a que l'amour. Là aussi la mélodie n'est qu'un prétexte, et c'est le cas avec le titre de Brassens intitulé Brave Margot. Le comble a été atteint, lorsque le trio mélange indifféremment plusieurs titres avec Aline de Christophe comme refrain. On s'attaquera ensuite à Edith Piaf (Mon légionnaire) avant de clôturer la soirée avec Sinouj pour un mélange des genres autour d'une vieille mélodie française dont on a oublié le titre.