Tous ceux qui ont cru qu'il était possible d'aboutir à une paix juste et durable au Proche-Orient avec Ariel Sharon se doivent de reconnaître leur tort. En visite privée aux Etats-Unis, le Premier ministre israélien a été très clair, en annonçant, sans ambiguïté aucune, qu'Israël ne retournera jamais aux frontières d'avant la guerre de 1967 et qu'il empêchera le retour des réfugiés palestiniens dans leurs foyers à l'intérieur d'Israël, afin que l'Etat hébreu préserve son caractère juif. Il est présent à New York, pour obtenir le soutien des représentants de la diaspora juive à son plan de désengagement unilatéral d'avec les Palestiniens, prévoyant un retrait, cet été, des forces d'occupation de la bande de Ghaza, avec l'évacuation des 8000 colons qui résident dans 21 colonies. Dans le même contexte, 4 colonies du nord de la Cisjordanie occupée doivent être évacuées. Mais il a assuré que son pays gardera les autres colonies de Cisjordanie occupée, dans les limites frontalières de l'Etat d'Israël, ce qui constitue une annexion de facto de plus de 52 de ce territoire palestinien à Israël. Malgré le tort important que va causer le plan de Sharon à la cause palestinienne, l'assistance l'a chahuté, le forçant à interrompre son discours à plusieurs reprises. Devançant de quelques jours seulement la visite du président palestinien Mahmoud Abbas qui doit rencontrer le président Bush demain à Washington, Sharon est venu en Amérique même décider à lui seul du sort du peuple palestinien. Ses propos, qui vont tous à l'encontre de la légitimité internationale, ont été accueillis dans le silence total. Personne n'a réagi, ni les membres du Quartette (Etats-Unis-Russie-Union européenne-ONU) ni même les dirigeants arabes. Nous sommes loin de la résolution onusienne de 1947 à l'origine du partage de la Palestine historique en deux Etats indépendants, Israël sur 51% et la Palestine sur 49%, ni même des frontières délimitées par la guerre de 1967, laissant aux Palestiniens juste 22%. Sharon et son gouvernement ont décidé de ne laisser aux Palestiniens que 11% de la Palestine historique, territoire qui sera lui-même morcelé en bantoustans par le mur de séparation qui fait office de frontière, tracée par les dirigeants de l'Etat hébreu, qui montre de jour en jour qu'il reste au-dessus des lois régissant notre monde. On se demande alors à quoi servirait la visite de Mahmoud Abbas à la Maison-Blanche, surtout au lendemain de la tenue annuelle de la réunion de l'AIPAC le fameux lobby pro-israélien, lors duquel la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice est venue affirmer, une nouvelle fois, le total soutien de son pays à la politique menée par le gouvernement israélien, y compris le plan de retrait de Sharon, de la bande de Ghaza. Pis, elle a réitéré sa demande aux pays arabes de nouer des relations normales avec l'Etat hébreu, comme si la question palestinienne était réglée. Le président Bush qui, depuis deux années déjà, promet de réaliser le règlement du conflit du Proche-Orient par la création d'un Etat palestinien vivant en paix à côté de l'Etat d'Israël, risque de voir cette vision partir en fumée, car il ne trouvera aucun Palestinien qui accepterait de signer un traité de paix, tel qu'exigé par Sharon.