Il a été tout simplement reporté pour des raisons aussi inconnues que celles qui avaient conduit au report du sommet qui devait se tenir à Alger en juin 2002. Comme il y a trois années, tout pourtant avait bien commencé avec les réunions des experts et du Comité (ministériel) de suivi qui ont bouclé leurs travaux normalement, mais sur fond de déclarations algérienne et marocaine. La première réaffirmait le soutien d'Alger au Front Polisario qui venait de célébrer de manière remarquée le 32e anniversaire de sa création, un droit que Rabat entend lui contester. Il n'est pas question pour l'Algérie de renoncer à ce principe, faisait affirmer le président Abdelaziz Bouteflika qui avait déjà souligné à maintes reprises le caractère colonial du conflit du Sahara-Occidental. Le chef de l'Etat algérien avait aussi, durant l'été dernier, évoqué les conditions de normalisation des relations algéro-marocaines et de relance du processus maghrébin, réfutant l'idée que cela se fasse sur la base d'un fait accompli colonial. Une ferme réponse aux Marocains qui liaient les deux dossiers, à ce qu'ils appellent « le respect de leur souveraineté nationale », et de leurs frontières. Le débat a même été soulevé à Alger en mars 2002 par le ministre marocain des Affaires étrangères devant ses pairs maghrébins. Sans dire bien entendu de quelles frontières il s'agissait, car pour tout le monde aucune menace ne pèse sur les frontières du royaume telles que reconnues internationalement. Quant à ce qu'il revendique comme telles, elles lui sont contestées par l'ONU et par tous ses alliés. Il ne lui sert strictement à rien de parler de « question nationale » dans sa réponse aux déclarations algériennes, lesquelles ne constituent en aucun cas une ingérence dans les affaires internes du royaume. La dernière résolution du Conseil de sécurité ne s'est pas contentée de proroger le mandat de la Minurso (mission des Nations unies chargée de l'organisation du référendum au Sahara-Occidental), mais les éléments fondamentaux de ce conflit et certains éléments que Rabat tente de dénaturer, comme les Sahraouis réfugiés en Algérie qui ne sont pas des séquestrés, tandis que notre pays reste considéré comme un pays d'accueil. La mise au point est de l'ONU. Elle est venue après la campagne marocaine pour la « libération des séquestrés de Tindouf », elle même intervenue après la visite officielle que le souverain marocain avait effectuée en Algérie immédiatement après sa participation au sommet arabe également tenu en Algérie, laissant espérer que les relations entre les deux pays allaient connaître une certaine embellie. Pour bien marquer un tel processus, Alger cessait d'exiger des ressortissants marocains un visa d'entrée sur son territoire. Restait alors la question de la réouverture des frontières terrestres dont la fermeture avait été décidée en août 1994 par l'Algérie à la suite de la décision marocaine d'imposer le visa d'entrée aux « ressortissants algériens et d'origine algérienne » et la chasse aux Algériens à travers le royaume. Sur ce point précis, les Algériens se sont montrés intransigeants. C'est à Paris, en avril dernier, que le chef de l'Etat a cru devoir faire apporter les précisions nécessaires. « Il est tout à fait clair (...) que nous avons trois points dans le dossier algéro-marocain : les relations bilatérales, ça dépend de sa majesté (Mohammed VI, ndlr) et de moi, il y a la reconstruction du Maghreb arabe, ça dépend également de sa majesté et de moi, il y a le problème du Sahara-Occidental et ça dépend des Nations unies », avait ainsi déclaré M. Bouteflika soulignant que « l'ouverture des frontières demande de nombreux mois ». Mais s'agissant du Sahara-Occidental à l'égard duquel la position de l'Algérie est confortée par la légalité internationale, Bouteflika a été clair. Dans la cour du Palais de l'Elysée, la présidence française, il était également clair : « Nous souhaiterions qu'il soit traité correctement par les Nations unies, et nous souhaiterions voir le Maroc travailler avec les Nations unies pour nous aider à aller plus en avant. » Le message est particulièrement précis. En guise de réponse, Rabat se montrait encore plus intransigeant en parlant cette fois et de manière publique de « question nationale », ne laissant aucune place aux efforts internationaux, et dans le cas d'espèce à l'ONU qui entend appliquer son plan et qui n'a pu, en avril dernier, que proroger le mandat de sa mission, ce qui est, bien entendu, insuffisant pour un peuple qui lutte pour le recouvrement de ses droits nationaux. Dès lundi, le roi du Maroc annonçait qu'il n'ira pas à Tripoli, ce qui n'est pas nouveau puisque de nombreux sommets maghrébins se sont tenus en l'absence du souverain. Rabat s'abstenant, il est vrai, de pratiquer la politique de la chaise vide. Ce qui dénote tout l'intérêt des Marocains partisans bien au contraire d'une « intégration verticale » avec l'Union européenne à laquelle ils avaient même postulé, essuyant deux refus. C'est par ailleurs une manière de bloquer toute réforme de l'UMA qui passerait de la règle du consensus à celle du vote. Dans son message à la direction du Front Polisario, le président Bouteflika avait bien affirmé que le sommet de Tripoli était aussi important que celui qui a marqué la naissance de l'UMA. Autrement dit, une rencontre au caractère éminemment extraordinaire parce qu'il se tient après une parenthèse de onze années. C'est un coup dur pour le Maghreb.