Beaucoup d'amertume avait entouré la journée portes ouvertes organisée mercredi dernier par l'ordre local des architectes. Il ne faut pas croire, cependant, que le souvenir de la catastrophe de Boumerdès en était la cause en dépit de l'hommage rendu aux victimes du séisme de mai 2003. La corporation des architectes, qui a rassemblé ce jour-là quatre wilayas, à savoir Constantine, Guelma, Mila et Tébessa, s'est fondue dans une autocritique responsable avant de pointer le doigt vers des partenaires incommodes et un environnement qui, par mépris et souvent par ignorance, a peu d'égard pour la profession. La rencontre tenue au palais de la culture devait aussi permettre à 131 nouveaux diplômés de prêter serment afin d'obtenir l'agrément nécessaire pour le libre exercice. Auparavant, plusieurs communications ont permis, malgré un débat limité, de toucher les contours du mal qui ronge la corporation. Vu de l'extérieur, le problème de communication se place au centre du malaise comme l'a si bien dit le professeur Zerouala en parlant de divorce entre l'ordre des architectes et l'université de Constantine. C'est comme un abcès qu'on vient de crever après une longue période de latence, mais les raisons de ce divorce restent du domaine des initiés selon toute vraisemblance. L'isolement est malheureusement total pour la corporation. « La pathologie qui affecte la ville algérienne découle de l'absence de discours architectural et urbanistique », avancera-t-il, avant d'ajouter : « Notre structure fait exception, c'est une anomalie du fait qu'elle n'est pas impliquée et ne possède aucun droit de regard sur la corporation. » Ce que renchérit M. Bellil, président de l'ordre des architectes de Constantine, en affirmant que l'université, incarnée dans l'institut d'architecture et d'urbanisme, n'a aucun impact sur son environnement à 200 m tout autour. Pas d'impact, bien entendu, sur ce qui s'est construit ainsi que l'évolution du tissu urbain, restée des décennies durant à la merci du politique. « L'architecte n'a aucun pouvoir malheureusement, car l'autoconstructeur règne toute seul », ajoutera-t-il impuissant. Les architectes algériens se sont battus, toutefois, et ont fait un véritable parcours du combattant pour se faire reconnaître d'abord et obtenir ensuite leur autonomie. La loi sur l'architecture de 1994 n'est que l'aboutissement d'un long chemin de luttes semé d'embûches, affirme M. Laâdjouz, vice-président de l'ordre national, qui raconte en détail ces péripéties et les anecdotes qui vont avec comme cette histoire avec Ali Kafi qui a refusé à l'époque du HCE le projet de loi en question. Deux autres interventions techniques ont permis d'abord l'exposé de la nouvelle réglementation dite RPA 2003 relative à la prévention parasismique dans les constructions et ensuite la présentation des rapports d'expertise effectuée au sujet des glissements de terrain à Constantine. On saura aussi par la bouche de Mme Benabbès, docteur en architecture et membre du Conseil national économique et social (CNES), que la réforme de l'université prévoit de nouvelles formules pour l'enseignement de l'architecture, notamment l'introduction de licences spécialisées appelées à pallier les carences du marché. La rencontre a été également l'occasion d'évoquer le massacre qui frappe la vieille ville de Constantine et tout le patrimoine architectural. Les universitaires comme les représentants d'association à l'image de celle du Vieux-Rocher se sont invités pour mettre fin au silence complice et unir leurs efforts afin de défendre la mémoire de la ville.