Au-delà des conséquences du vote français au double plan interne à l'Hexagone et européen sur lesquelles la classe politique française, toutes tendances confondues, s'est abondamment exprimée, le scrutin d'hier sur le traité constitutionnel européen se décline avant tout comme une fort belle leçon de démocratie offerte aux Européens et au monde. Ni l'engagement personnel du Président Jacques Chirac dans la campagne pour le oui ni les consignes de vote des états-majors politiques des deux grands courants qui rythment la vie politique française, la droite au pouvoir et la gauche socialiste dans le camp de l'opposition, en faveur du traité, ne sont parvenus à forger un consensus national autour du oui. Ce référendum aura été une belle confirmation de la bonne santé démocratique de la France qui s'est exprimée, de manière pacifique et par la force des arguments et des convictions de chacun et de tous, à travers des débats libres qui ont traversé toutes les formations politiques traditionnelles connues pour leur attachement aux règles de fonctionnement démocratiques. L'on aura rarement vu, que ce soit au sein des partis ou entre la classe politique dans toute sa diversité, un débat aussi libre sur une question si stratégique qui aurait, sous d'autres latitudes, au nom de la prétendue raison d'Etat, fait tout bonnement l'économie d'une telle passe d'armes. Que des partis solidement ancrés dans le paysage politique comme la droite au pouvoir ou le Parti socialiste, dans l'opposition, soient ébranlés dans leurs certitudes en enregistrant respectivement en leur sein de franches et farouches oppositions aux consignes de vote de chacune de ces formations, cela ne semble nullement inquiéter les états-majors politiques même si une telle attitude fait en apparence désordre. Le jeu démocratique a été respecté dans toute sa plénitude. Des poids lourds des deux bords politiques ont eu toute latitude de battre campagne contre le choix électoral de leurs directions politiques respectives sans avoir à subir, comme il est de règle dans les sociétés antidémocratiques, les représailles de leurs formations politiques pour manquement à la discipline interne du parti. La plus belle leçon de démocratie et de pédagogie politique que les sociétés comme la nôtre qui s'ouvrent de façon très timorée à la démocratie devraient méditer, c'est très certainement cette bataille presque solitaire que le Président Jacques Chirac a dû mener dans ses propres rangs en faveur du oui contre une opposition interne qui ne lui a pas fait de détail. Faire partie d'une majorité présidentielle ne signifie pas un alignement aveugle sur le parti du Président ou le Président.