Le «non» français a jeté un froid dans le landernau politique européen, froid qui risque d'être accentué par un «non» néerlandais. Alors que les analystes n'en finissent pas d'évaluer les possibles (sinon probables) retombées négatives du non français au traité constitutionnel européen, TCE, que se profile à l'horizon un autre refus, celui des Néerlandais - appelés à se prononcer aujourd'hui sur le texte constitutionnel européen. Les commentateurs européens mettent en exergue la débandade des leaders européens, souvent en situation délicate dans leur pays, illustrée par la cuisante défaite du chancelier allemand, la semaine dernière lors d'élections régionales, mettant en péril son avenir politique. Dans ces cas de figure c'est l'Union européenne qui se trouve affaiblie, indiquent-ils, vis-à-vis de son puissant challenger et partenaire américain, créant ainsi des difficultés aux Etats-Unis qui ont besoin d'une Europe forte et unie. C'est l'avis que développe Charles Kupchan, expert des questions européennes au Council of Foreign Relations, qui indique: «Je pense que le point de vue dominant sera que les Etats-Unis font face désormais à une foule de leaders européens affaiblis. Blair est affaibli, Chirac est désormais affaibli, Schröeder se prépare à ce qui apparaît comme une défaite, Berlusconi vient de changer son gouvernement et cela pose problème aux Etats-Unis qui ont besoin d'aide dans le monde». Toutefois, estimant que la «vie continue», le haut représentant européen pour la politique extérieur de l'UE, Javier Solana, insiste pour dire que «la vie continue. L'Union européenne continuera d'être un acteur» au lendemain du rejet du traité constitutionnel par 54,87% des Français. M.Solana affirme: «Les 25 Etats membres de l'Union vont rester engagés dans toutes les actions dans lesquelles (ils) sont engagés». M.Solana assurera par ailleurs que «L'UE était déjà un acteur bien avant que nous commencions à parler d'une Constitution. Nous continuerons à travailler 24 heures sur 24 avec la même énergie qu'avant». Cependant, le vote français met en lumière la fracture entre une certaine Europe «élitiste» - telle que prônée par ses dirigeants actuels, assumé par le traité controversé sur la future Constitution européenne - et le peuple «européen» qui ne trouve pas son compte dans cette Europe qui n'est pas la sienne. Aussi, le gouffre n'a pas cessé de s'élargir entre les élites européennes et les couches moyennes, principales victimes d'un libéralisme sans frein qui a, selon ses contradicteurs, déstructuré le tissu social européen avec la montée vertigineuse du chômage dans maints pays membres de l'UE. C'est cet aspect des difficultés, mis déjà en exergue par la campagne française pour le non, qui est mis en avant par les partisans du «non» néerlandais, qui ne manquent pas de souligner qu'outre de perdre leur originalité, les Pays-Bas courent également le risque de se voir minorés dans une Europe dominée par les grands pays européens. Ils mettent aussi en lumière le fait que la monnaie néerlandaise, sous-évaluée par rapport au mark allemand, selon eux, a été, -estiment nombre de Néerlandais qui n'ont pas digéré cette situation-, une victime du passage à l'euro. Aussi, à la veille d'une consultation référendaire cruciale pour l'Union européenne et les Pays-Bas, (l'un des fondateurs, avec la France, de l'UE), les dirigeants néerlandais et les partisans du «oui» sont descendus ces derniers jours dans l'arène pour tenter d'inverser une tendance largement favorable au «non», comme l'indiquent les derniers sondages qui donnent la victoire, à hauteur de 59 à 60%, aux partisans du rejet du TCE. Le centre-droit, au pouvoir à La Haye, comme certains partis de l'opposition, -favorables au «oui»- se sont lancés dans une bataille qui semble perdue d'avance eu égard de la tendance lourde, pour le non, qui se dégage aux Pays-Bas. Dans cette course à l'Europe, la commissaire européenne à la concurrence, la Néerlandaise Neelie Kroes, ne semble avoir trouvé comme argument, pour inciter ses concitoyens à bien voter, que de dire que «La France n'est pas le patron de l'Union européenne», ce qui n'est guère convaincant, la question n'étant pas là, mais afférente aux inquiétudes des Néerlandais quant à leur avenir dans une Union européenne jugée trop libérale et ne prenant pas en charge les préoccupations sociales de larges pans de la population européenne. Expliquant le probable rejet par les Néerlandais du traité constitutionnel européen, un directeur d'institut de sondage estime que «Le non aux Pays-Bas n'est pas dirigé contre l'Europe mais contre une classe politique jugée peu fiable qui a déçu les citoyens sur des dossiers comme l'euro». Toutefois, ne désespérant pas de voir l'opinion publique changer d'avis, le Premier ministre néerlandais, Jan Peter Balkenende met en avant le fait que, selon lui, «Un oui veut dire que l'Europe va parler de nous. Si nous votons oui, nous pourrons participer aux discussions». Reste évidemment à en convaincre ses concitoyens décidés à dire non au TCE. De fait, comme en France, les dirigeants néerlandais ont eux aussi affirmé que l'éventualité de la victoire du non n'aura pas de conséquences sur leur avenir politique. Ils refusent ainsi de tirer les leçons du fait qu'ils auront été incapables d'expliquer à leurs concitoyens les tenants et aboutissants du traité constitutionnel européen - qui engage leur devenir - en ne prenant pas en compte de la (sans doute) probable sanction de l'électorat néerlandais.