Le différend économique opposant les Chinois à leurs principaux partenaires commerciaux, en l'occurrence l'Union européenne (UE) et les Etats-Unis, a atteint son paroxysme. Face aux mesures prises par ces deux derniers pour freiner le déferlement des produits textiles chinois sur leurs marchés respectifs, la Chine a radicalisé sa position. En riposte à la décision prise récemment par Washington et Bruxelles d'imposer la clause de sauvegarde et de réimposer le système de quotas, le gouvernement chinois déclare « la guerre commerciale ». En effet, l'annonce faite, hier, par le ministre du Commerce chinois, Bo Xilai, et reprise par les diverses agences de presse, s'apparente à une déclaration de guerre. « La Chine n'augmentera pas ses taxes à l'exportation, comme prévu au 1er juin prochain, et les supprime pour 81 catégories de produits textiles », a annoncé Bo Xilai. Le conflit, rappelons-le, a commencé au début du premier trimestre 2005, suite à l'entrée en vigueur, le 1er janvier dernier, de la mesure de suppression des quotas dans le secteur textile, ayant engendré une hausse vertigineuse des exportations de certains articles fabriqués en Chine vers l'Europe et les USA. Pour limiter la portée de cette dernière mesure, la Chine avait imposé des droits de douane pour 148 catégories de ses produits textiles. Mais la décision unilatérale prise par ses deux partenaires semble irriter Pékin. Les pressions américaines et européennes n'ont pas été du goût du gouvernement chinois qui a critiqué vivement les mesures prises par ses partenaires en brandissant l'article 242 contenu dans le protocole d'accord sur l'accession de la Chine à l'OMC. La clause imposée par l'UE et l'USA est considérée par le ministre chinois comme une violation des règles de l'OMC. Il s'est élevé même contre cet article 242 qui permet de limiter à 7,5% pour un an la hausse des exportations de textiles chinois. « Ce paragraphe est discriminatoire parce qu'il vise seulement la Chine », a estimé M. Bo. Pour lui, le recours des USA et de l'UE à l'article en question est « infondé et erroné ». Le ministre chinois considéré que le laps de temps écoulé depuis la suppression des quotas textiles n'est pas suffisant pour établir que les marchés intérieurs de ces deux régions ont été perturbés. En outre, les Européens et les Américains, selon lui, n'ont pas fourni suffisamment de données et de chiffres et divergent, de surcroît, sur l'interprétation des statistiques disponibles. « Comment le gouvernement chinois peut-il augmenter les droits de douane à l'exportation, alors qu'il se doit d'être équitable et juste vis-à-vis des entreprises chinoises ? », s'est-il interrogé. Dans la foulée, il précise qu'une telle mesure menacerait 19 millions d'emplois directs dans son pays. Les déclarations du ministre chinois n'ont pas laissé de marbre la Commission européenne. Répondant, hier soir, « aux accusations de Pékin », le porte-parole du commissaire européen au commerce, Claude Veron-Reville, a affirmé que la mesure décidée par l'UE est fondée. « Nous avons présenté nos données sur une période de trois mois donnant un état de l'industrie du textile. Nous voyons qu'il y a un dommage irréparable et c'est pourquoi nous avons lancé une procédure de consultations formelles », souligne-t-elle. Il a rappelé que la polémique autour d'exportations textiles chinoises s'est installée et a enflé au début du mois d'avril dernier. La Commission européenne avait lancé, alors, une enquête sur neuf catégories de produits chinois. Afin d'apaiser la situation, Pékin avait relevé, le 20 mai dernier, ces taxes pour 74 types de produits, regroupés en 39 catégories. Toutefois, après l'abolition des taxes sur la grande majorité des catégories, dont les tee-shirts, il semble qu'aucune entente ne soit possible entre les trois parties. Par ailleurs, les fabricants chinois se sont réjouis de la décision de leur gouvernement. Ainsi, même la visite, jeudi prochain à Pékin, du secrétaire américain au Commerce Carlos Gutierrez ne changera, peut-être, rien à la décision du gouvernement chinois. La Chine, qui subit, rappelons-le également, les pressions américaines pour la réévaluation de sa monnaie, le yuan, dont le taux de change est quasi fixe par rapport au dollar, n'est pas prête à céder.