L'Algérie ne commémorera plus officiellement le 19 juin, date du coup d'Etat qui porta Boumediène au pouvoir, aux dépens de Ben Bella. 40 ans après, le geste de Bouteflika, âme du putsch, pour reprendre l'expression des historiens, s'insère dans la politique de la réconciliation nationale, à laquelle, ironie de l'histoire, la première victime du putsch Ahmed Ben Bella adhère pleinement, en la défendant même avec un certain zèle. Le président de la République ne pouvait trouver meilleur défenseur d'une cause qui est appréciée diversement et qui n'a pas encore livré tous ses secrets. Le coup d'Etat, que ses auteurs avaient assimilé à un sursaut historique ou un redressement révolutionnaire, visait en fait à mettre fin au régime « totalitaire » de Ben Bella qui avait accaparé tous les pouvoirs. N'empêche que la culture du coup d'Etat était en vogue à l'époque, au sortir des guerres d'indépendance ou de la colonisation. D'ailleurs, les initiateurs de ce renversement, qui se déroula sans heurts et sans verser une goutte de sang, annonceront la couleur juste après, dans une déclaration où il était beaucoup plus question du pouvoir personnel et sans partage de Ben Bella. Depuis, le 19 juin est célébré comme un fête nationale. Sa suppression entre dans une démarche globale puisque le Conseil de gouvernement a eu à examiner un avant-projet de loi portant modification de la loi du 23 juillet 1963, fixant la liste des fêtes nationales. Aucune explication spécifique à cette suppression n'a été avancée, laissant planer des zones d'ombre et de lumière sur une période troublée et controversée que les nouvelles générations ne connaissent pratiquement pas. Il faut enfin rappeler que Ben Bella s'était interrogé, quelques années après sa sortie de détention, « s'il était politiquement sain pour un pays qui a opté pour un système démocratique de continuer à célébrer un coup d'Etat militaire, considéré comme la négation même de la démocratie ». La réponse tardive est venue quand même, mais pas nécessairement pour les mêmes raisons invoquées par le premier président de l'Algérie. Désormais, l'Algérie, qui était l'un des rares pays au monde à commémorer un coup d'Etat en le parant de tous les atours officiels, s'est débarrassée d'une incongruité qui était beaucoup plus une rupture d'un équilibre entre deux protagonistes pour la course au pouvoir, qu'un choc entre des projets sociopolitiques.