Evolution des mœurs politiques ou manœuvre conjoncturelle ? La décision du gouvernement d'endosser un avant-projet de loi portant modification de la liste des fêtes légales et, par ricochet, la suppression du 19 Juin, date anniversaire du coup d'Etat contre le premier président de la République algérienne, Ahmed Ben Bella, que le pouvoir a désigné des décennies durant sous le vocable ou euphémisme, c'est selon, de “redressement révolutionnaire”, constitue sans nul doute l'une des réparations historiques les plus significatives de ces dernières années. Abdelaziz Bouteflika, dont on n'ignore pas qu'il est le principal architecte de l'initiative, vient confirmer ainsi implicitement que le 19 Juin, célébrée jusque-là comme une fête nationale, même s'il est vrai sans trop d'artifices, a été par certains aspects un “travers de l'histoire”. Mais au-delà de cette décision, somme toute louable, l'interrogation vaut essentiellement pour son intérêt dans la conjoncture actuelle. Bien entendu, au gouvernement, on explique la démarche par “l'évolution politique” et “la réconciliation nationale”. “L'amendement s'inscrit dans le sillage de l'évolution historique et politique de notre pays, ainsi que de la démarche de réconciliation nationale à laquelle notre peuple est attelé sous la direction du président de la République”, note le communiqué de l'Exécutif. On l'aura sans doute relevé, Bouteflika invoque en filigrane les impératifs de “démocratisation” qu'imposent les conventions autant régionales qu'internationales auxquelles l'Algérie a souscrit, mais aussi la nécessité de “fermer une plaie” qui a fait couler beaucoup d'encre. Et le geste est destiné principalement à l'endroit de Ahmed Ben Bella, aujourd'hui converti en chantre de l'amnistie générale, lequel a été destitué en 1965 par le défunt Houari Boumediene et par Abdelaziz Bouteflika. Mais pourquoi aujourd'hui ? Le Président pouvait bien supprimer cette “tare historique” dès sa prise de fonction en 1999. Mieux encore, il s'était même empressé à rétablir la célébration de la fête après que celle-ci eut été supprimée par le défunt président, néanmoins fondateur du FLN, Mohamed Boudiaf. C'est dire qu'à bien des égards, le Président semble procéder à une espèce de “vente concomitante” avec le premier président de la République algérienne. À lui de faire son “mea culpa” et au second de “s'impliquer totalement dans la campagne pour l'amnistie”, laquelle, même si elle reste floue, n'en exige pas moins manifestement une certaine légitimité historique. Si en définitive Abdelaziz Bouteflika fait son “repentir” à travers cet aveu implicite et tardif sur le caractère de “coup d'Etat” du 19 juin 1965, il reste que la décision ne vaut que par la nécessité d'un regard lucide sur l'histoire dans ses multiples facettes. La réconciliation n'en sera que plus réconfortée. K. K.