Me Cavanna est avocat au barreau de Montpellier, mais c'est en sa qualité de président de l'Association de sauvegarde des cimetières français en Algérie qu'il se rend régulièrement à Alger. Personnage courtois et affable, c'est un Algérois pure souche puisqu'il est né, il y a un peu plus d'un demi-siècle sur les hauteurs d'Alger. Il a vécu jusqu'aux dernières années avant l'indépendance dans le quartier populaire du Hamma où il a grandi et fréquenté l'école Caussemille et le collège du Champs de manœuvres. « Les années passant, la nostalgie aidant, nous avons souhaité revenir sur cette terre. Puis, au détour d'une rencontre avec M. Ziari, alors ministre algérien délégué chargé de la Communauté à l'étranger, de passage à Montpellier, nous avons évoqué le problème des cimetières français et de leur entretien. C'est en 2001, à la faveur de cette discussion que j'ai créé l'Association de sauvegarde des cimetières français en Algérie. Depuis je suis soutenu par les Algériens, notamment M. Ould Kablia, ministre délégué aux Collectivités locales. » La tâche est ardue avec en gros quelque 565 cimetières disséminés à travers l'Algérie, qu'il faut sauvegarder dans des conditions dignes. « Chacun sait que les cimetières font partie du patrimoine national. Je crois que dès l'instant où nos deux communautés, la communauté algérienne et la communauté rapatriée, ont renoué un certain nombre de liens. Il est évident que nous allons pouvoir remettre en état ces cimetières et les maintenir dans des conditions acceptables. » De l'autre côté de la Méditerranée, le problème est perçu différemment. « Vous savez que chaque fois qu'il y a une élection en France, tous les candidats adorent la communauté rapatriée et la carressent dans le sens du poil. Eh bien, moi, j'ai proposé quelque chose de concret, de réalisable, à savoir le parrainage par une commune de France, d'un cimetière en Algérie... Et comme en France, il y a 36 000 communes et seulement 565 cimetières en Algérie, vous voyez qu'il y en a pour tout le monde. C'est ce que j'ai proposé au président Chirac. Je viens d'obtenir récemment la somme de 40 000 euros du conseil régional au Languedoc-Roussillon. C'est un premier pas. » Me Cavanna insiste pour dire que ces initiatives vont créer des postes de travail pour les Algériens et ce sera un plus pour la communauté. Les actions sont d'autant plus urgentes que certains cimetières sont à un stade avancé de délabrement. « On a beaucoup de peine à voir l'état dans lequel se trouvent quelques cimetières. J'ai visité celui de Fondouk et j'ai eu la nausée », avoue Me Cavanna, qui cite en revanche d'autres exemples moins rebutants comme celui de Cherchell où des travaux de réhabilitation ont été entamés dans le cimetière chrétien. Pour que les efforts soient plus efficients, notre interlocuteur en appelle au ministère des Affaires religieuses et des Waqfs « qui doit absolument faire passer les messages via les imams ». L'archevèque Mgr Teissier est également sollicité « même s'il ne peut faire le tour de tous les cimetières ». En tant qu'avocat, Me Cavanna a contribué au jumelage des barreaux d'Alger et de Montpellier. « Le barreau d'Alger a obtenu une subvention européenne pour la formation », fait-il savoir. Sur un autre plan, notre avocat est à l'origine, avec MM. Tibaoui et Saïbi, de la mise en place des journées du droit animées par des professeurs de l'université de Montpellier. Selon Me Cavanna, les pieds-noirs peuvent être un rouage, un intermédiaire entre la France et l'Algérie. Il y a certes des résistances, des irréductibles des deux côtés de la Méditerranée, mais la plupart des rapatriés souhaitent venir en Algérie. Me Cavanna donne l'exemple de papa Falcone bien connu du côté de Zemmouri et qui est venu pour voir s'il y a une perspective de réinstallation pour ses usines d'anchois. « Beaucoup de rapatriés souhaitent avoir la double nationalité. N'ayant pas de racines profondes en France, la famille ayant éclaté, les amis perdus, bénéficier de cette nationalité algérienne est pour eux un ancrage, une racine nouvelle sur la terre qui les a vus naître. » Me Cavanna estime qu'il y a encore beaucoup d'efforts à faire. « Vue de Paris, Alger est très loin. La situation n'est pas analysée comme il se doit puisqu'on n'a pas confié le problème des relations avec l'Algérie à des gens issus de la communauté rapatriée. Il faut casser les tabous et ouvrir une autre page entre nos deux peuples... Vous savez, il y a des gens en France qui me disent : ‘‘Je ne veux pas retourner en Algérie, parce que je veux rester sur une image''. Mais quelle image ? Celle de la débandade ? Sachez que beaucoup de choses ont changé et que le monde a considérablement évolué... »