Après plusieurs mois de négociations, le dossier de partenariat entre les pouvoirs publics, représentés par le ministère des Ressources en eau, et le groupe français Suez est arrivé à terme et devra prochainement être soumis au Conseil des ministres pour adoption. Si les responsables en charge du dossier préfèrent laisser la primeur au Conseil des ministres d'annoncer la teneur de cet accord et les clauses qu'il contient, il n'en demeure pas moins que les déclarations officielles faites à ce sujet donnent déjà un aperçu assez clair sur la finalité de cet accord et les objectifs arrêtés pour cette toute nouvelle démarche, la première en matière de partenariat. Il faut savoir d'abord que l'Etat a décidé de se désengager progressivement du financement et de la gestion des infrastructures hydrauliques de service public pour recentrer son intervention autour des missions de « puissance publique ». La priorité maintenant est accordée à la recherche de financements privés pour la réalisation d'infrastructures hydrauliques tout en faisant appel aux entreprises spécialisées pour bénéficier d'un apport de nouvelles technologies et assurer une meilleure gestion du service public. C'est dans cette optique qu'il a été décidé de recourir aux services de Suez qui se chargera, dans le cadre d'une gestion déléguée, de gérer la distribution de l'eau potable dans la capitale. Selon le premier responsable en charge du secteur, Abdelmalek Sellal, il ne s'agit nullement de concession, encore moins de privatisation. Ce nouveau mode de management, qui doit préserver le cachet de service public, permettra à l'Etat de pouvoir continuer à gérer les coûts et à être le seul à décider des prix à appliquer. Pour se faire, une société par actions, la Société des eaux et de l'assainissement d'Alger (Seal), regroupant l'Algérienne des eaux (ADE) et l'Office national d'assainissement (ONA), sera mise en place et sera le seul vis-à-vis de Suez. Son directeur général sera nommé par le partenaire français pour lui permettre d'avoir un droit de regard sur les investissements qu'il aura à entreprendre. Le conseil d'administration sera constitué, en revanche, des représentants de l'ADE et de l'ONA, qui contrôleront l'exécution du cahier des charges et mettront leurs personnels à la disposition de Suez. Durant les cinq années prévues pour le contrat, celle-ci travaillera pour le compte de la Seal et devra se charger, entre autres missions, de « réhabiliter le réseau de distribution de l'eau de la capitale, assurer un service public continu, mettre en place un système de gestion cohérent, réaliser le transfert technologique (logiciel, télédétection) et former des cadres ». L'expérience française mise à l'épreuve Au terme des cinq années, la gestion de l'alimentation de l'eau potable dans la capitale reviendra à la Seal, mais cette forme de partenariat peut évoluer vers une concession si la société française en exprime le souhait. Suez, faut-il rappeler, est une puissante organisation industrielle internationale qui fournit des infrastructures privées et des services globaux liés à l'énergie et à l'eau. Le partenariat engagé avec elle, explique le ministère des Ressources en eau, « est rendu nécessaire par les avancées technologiques dans le secteur et l'importance du réseau d'alimentation d'eau à Alger, de plus de 2 500 km ». La vétusté du réseau et les énormes pertes enregistrées (un taux de déperdition de l'ordre de 20% à 40%) ont empêché d'atteindre l'objectif d'une alimentation continue de 24 heures sur 24, malgré la disponibilité des ressources en eau supérieure à la demande. Rencontré la semaine dernière au 1er Salon international de l'eau organisé à Alger, un représentant de la direction du développement international de Suez Environnement a tenu à préciser que les pourparlers engagés avec les autorités algériennes étaient des plus transparents. « De toute ma carrière, je n'ai jamais vu une transparence comme celle qui a prévalu dans les négociations que nous avons eues avec les autorités algériennes », a indiqué ce responsable. Le représentant de la société française a ajouté que « le mode contractuel a été fixé par la partie algérienne qui a tenu à ce que l'Etat demeure le seul propriétaire du réseau d'alimentation en eau potable et que le service reste toujours un service public ». Pour ce qui est du coût prévu dans le contrat, le représentant de la société française a indiqué qu'il revenait à l'Etat de l'annoncer, non sans relever cependant que la part qui revient à Suez est incluse dans l'enveloppe financière que l'Etat a décidé d'injecter dans le secteur dans le cadre du programme complémentaire de soutien à la relance économique. Se voulant plus précis, notre interlocuteur a ajouté que « les deux parties ont voulu s'engager dans une transparence absolue, dresser l'état des lieux concernant la distribution, la répartition et les ressources humaines et financières pour pouvoir arrêter, en commun accord, un plan d'action portant notamment sur la réhabilitation du réseau en question, la mise en place d'un système de gestion performant, la formation et le transfert technologique ». Pour se faire, la société Suez compte beaucoup sur les moyens financiers que le gouvernement entend mettre à la disposition du secteur de l'hydraulique. « Aujourd'hui, l'Algérie est financièrement très à l'aise et dispose, de surcroît, de compétences humaines qui n'ont besoin que d'être renforcées par le savoir-faire et l'apport technologique nécessaires », soutient le représentant de Suez. Pour lui, l'expérience acquise par l'ADE, qui a eu à gérer une situation des plus difficiles durant la période de crise d'eau, est remarquable. S'exprimant au sujet des mauvaises expériences vécues par Suez en Bolivie et en Argentine, le responsable à la direction du développement international de Suez a indiqué que « le dossier de la Bolivie nous fait hurler », en ce sens que la société, selon lui, a été victime d'une « injustice » et qu'il s'agissait d'un problème sociopolitique qui a obligé le gouvernement bolivien à « rompre unilatéralement le contrat de concession dont jouissait la société ». En Argentine, poursuit le même responsable, « le projet de concession a été une réussite, sauf que la société se retrouve aujourd'hui confrontée à des pertes économiques en raison de la dévaluation monétaire que le pays a connue ses dernières années et du blocage des tarifs décidé depuis la promulgation de la loi d'urgence de 2002 ». Suez demande maintenant, auprès du centre international pour la résolution des différends portant sur les investissements, un dédommagement pour les pertes subies depuis le début de la dévaluation. En Algérie, « le contexte n'est pas le même d'autant qu'il s'agit d'une gestion déléguée et non pas d'une concession », nous dit le représentant de Suez. Les choses pourront-elles évoluer vers la concession ? « Pourquoi pas ? », s'est interrogé enfin notre interlocuteur.