Quelles nouveautés apporte la loi sur l'eau, présentée mardi 14 juin devant l'APN, par rapport aux dispositions déjà existantes gérant less structures et le secteur de l'eau ? Il fallait réactualiser la loi et le dispositif juridique avec l'évolution socioéconomique et politique du pays en clarifiant le domaine public hydraulique. Avant, beaucoup d'acteurs intervenaient dans ce domaine, sans que la loi ne définisse exactement les modalités de chacun. Quelqu'un qui réalise un forage chez lui ou pour l'utiliser pour un hammam devait juste demander l'autorisation, mais ne payait pas, alors que l'eau appartient à la communauté nationale. Il doit donc payer. L'article 14 de cette nouvelle loi interdit l'extraction de sable des lits d'oued. Nous accordons deux ans pour permettre aux gens d'investir dans les carrières de sable, pour ne pas pénaliser les secteurs concernés. L'eau étant un produit rare, il doit avoir une valeur sociale et, à la limite, une valeur économique. Nous avons défini ceux qui peuvent intervenir dans la gestion et la distribution de l'eau en créant un nouveau système. C'est là le grand problème qui risque de se poser les prochaines années. Nous sommes en train de régler la question de la mobilisation des ressources en eau avec les projets de barrages, le dessalement, etc. Et maintenant, nous avons défini les relations en matière de gestion. Avant, il n'y avait que le public, maintenant nous avons ouvert la gestion de l'eau au privé, surtout à travers le partenariat public-privé. Nous avons défini un nouveau mode de gestion, la concession, qui, pour le moment, concerne uniquement le secteur public ou le secteur public avec le privé. Jamais de concession pour le privé seul. Nous avons créé le système de gestion déléguée, c'est ce qui va se faire incessamment pour Alger. Nous attendons le prochain Conseil des ministres pour régler définitivement cette question. En septembre 2005, nous lancerons des appels d'offres pour la gestion déléguée au niveau d'Oran, de Constantine et d'Annaba. Nous allons créer des sociétés par actions (SPA). A Alger, il y a déjà la Société des eaux et de l'assainissement d'Alger (SEAL), et nous pensons à la SOR à Oran et la SEC à Constantine. Le partenaire privé ne sera pas concessionnaire et ne fixera pas les prix. Il remettra à niveau les réseaux, les étalonnera, formera les gens et assurera un service public permanent et continu. Cela est prévu dans la loi. Nouvel élément : on ne parlait que de l'eau conventionnelle (eaux de pluie ou souterraines). Maintenant, il est question de l'utilisation des ressources non conventionnelles : le dessalement et les eaux usées retraitées et réutilisées dans le cadre de l'agriculture, notamment l'arboriculture. Autre axe important : le renforcement des capacités et des pouvoirs de la police des eaux. Les contraventions seront nettement plus dures. Vous avez évoqué le partenariat avec le groupe français Suez dans le cadre de la SEAL. Pourquoi tant de retard dans le projet de partenariat ? Y a-t-il blocage ? Il n'y a pas de blocage. On a commencé à négocier depuis la fin septembre 2004. C'était une première en Algérie de lancer un partenariat de gestion déléguée. Ce n'était pas simple. Le réseau de distribution d'Alger est extrêmement compliqué, même Suez a demandé beaucoup de temps pour présenter son projet. Comme c'est presque du gré à gré, nous avons négocié fermement pour ne pas faire d'erreur. ça ne va plus tarder. Le dossier passera en Conseil des ministres et la décision finale interviendra. Avez-vous pensé à un cahier des charges strict compte tenu des mauvaises expériences de Suez en Bolivie et en Argentine. Ces pays ont fermement rejeté le modèle de gestion du groupe français, notamment à cause du coût social ? Même si Suez va décrocher le projet de gestion déléguée en Algérie, on ne peut comparer avec ces deux cas. Parce qu'il s'agissait de concession : « Je vous donne le réseau vous vendez l'eau, vous fixez le prix selon le marché et vous prenez vos bénéfices. » Chez nous, non. Nous allons payer la société étrangère pour nous apprendre à gérer. Elle va gérer avec nous pendant cinq ans. L'entreprise créée (SEAL) est une SPA dont le conseil d'administration est constitué des représentants de l'Algérienne des eaux (ADE) et de l'Office national d'assainissement (ONA). Le directeur général sera nommé par l'entreprise étrangère pour que le partenaire étranger ait un droit de regard sur l'ensemble du programme d'investissement. C'est la seule manière de pouvoir mettre de l'ordre. Cependant, l'entreprise étrangère n'a strictement rien à voir avec la fixation des prix de l'eau. Elle doit aider la SEAL à avoir de meilleurs résultats en matière commerciale. Nous perdons sur nos réseaux énormément d'eau. Nous avons une grande quantité mobilisée pour Alger, supérieure par rapport à la demande, et nous n'arrivons pas à assurer un service public permanent, cohérent. Nous donnons les moyens pour assurer l'eau 24 heures sur 24 et on n'y arrive pas. Les pertes commerciales sont de 17% et les pertes physiques de 20% suite aux fuites. Quand on calcule toutes les pertes, quel que soit le prix mis pour ramener une entreprise chargée de remettre à niveau le réseau, de former les cadre, de mettre en place un système de gestion cohérent et réaliser le transfert technologique (logiciel, télédétection), etc., ça ne coûtera pas cher. Quel est l'intérêt, à long terme, de Suez dans ce partenariat ? Au bout de cinq ans, si tout est remis à niveau, comme nous le souhaitons, bien sûr, l'entreprise demandera à avoir la concession. D'ici cinq ans, il fera jour, on verra comment... Car le système de gestion peut évoluer vers la concession comme il peut ne pas y aller vers. Ce qui intéresse d'abord les partenaires étrangers est de vendre leurs noms. Et puis pour la gestion déléguée, on les paie, ce n'est pas gratuit.