Le commun des Algériens a découvert le dessalement avec l'arrivée en grande pompe en provenance d'Arabie Saoudite de deux stations du groupe Al Khalifa qui en avait fait don aux autorités au moment où la crise de l'eau était à son paroxysme. C'est dire qu'une telle offrande était la bienvenue. Mais par la suite, le don en question s'est avéré un cadeau empoisonné. "Il fallait utiliser 3000 l de fioul pour obtenir 1000 l d'eau", dira à ce propos un cadre du ministère des Ressources en eau. Les deux unités qui se trouvent à l'heure actuelle sur les côtes de la ville de Zemmouri, dans la wilaya de Boumerdès, n'ont fonctionné que quelque temps et n'ont pas survécu à la déchéance et aux déboires du richissime homme d'affaires Abdelmoumène Khalifa. L'équipe technique philippine qui y travaillait a pris la poudre d'escampette. Aux dernières nouvelles, on se préparerait à les céder prochainement au cours d'une séance de vente aux enchères. Cet épisode que l'actuel ministre des Ressources en eau, Abdelmalek Sellal, a qualifié, à juste titre, de "film indien" est l'exemple type de l'imprévoyance qui a prévalu à l'époque dans le secteur de l'eau. Les mesures conjoncturelles qui faisaient partie d'un programme d'urgence n'ont pas réglé les problèmes de mobilisation de ressources hydriques et de distribution d'eau potable. C'est sans doute la raison pour laquelle les autorités ont décidé de prendre le taureau par les cornes en établissant une stratégie durable, et le recours aux eaux non conventionnelles en représente l'une des grandes lignes. C'est donc dans ce contexte que l'option du dessalement d'eau de mer a été envisagée pour ne plus dépendre des aléas de la météo caractérisée par une pluviométrie aléatoire qui ne se montrait guère généreuse. "En fait, l'Algérie s'intéressait au dessalement bien avant mais son coût trop élevé était dissuasif", fera savoir un expert. stations monobloc Les premières stations de dessalement ont été acquises par la compagnie nationale pétrolière Sonatrach en 1964 et en 1967. Implantées à Arzew, les deux stations, dont les capacités respectives sont de 570 m3 et de 3000 m3 par jour, ont servi à l'approvisionnement des complexes de liquéfaction de gaz naturel. A partir de 1970, plusieurs petites unités sont réalisées. Le recours à l'eau dessalée était avant 2000, année durant laquelle les autorités l'ont intégrée dans leur politique de mobilisation des ressources hydriques, exclusivement l'apanage de l'industrie. L'intérêt de l'Algérie pour le dessalement s'est traduit par le lancement d'un programme pour l'acquisition de petites stations monobloc et de grandes stations de dessalement. l'horizon 2030 Ce programme a été élaboré sur la base d'une étude effectuée entre novembre 2003 et septembre 2004 par le bureau d'études français Safege. Selon cette étude, plusieurs éléments sont réunis pour plaider en faveur du dessalement. Safege a évoqué, entre autres arguments, la proximité de la population du littoral qui s'étale sur 1200 km. Près de 70% des Algériens vivent à moins de 100 km des côtes, les périodes de sécheresse récurrentes et qui ont persisté ces dernières années, ainsi que la réduction des coûts induite par une évolution rapide de cette technologie. A l'horizon 2030, selon la politique à long terme du secteur de l'eau, l'alimentation en eau potable et industrielle (AEPI) dans les villes côtières devrait être assurée exclusivement par le dessalement. Dans cette optique, 14 wilayas côtières et 6 autres intérieures sont concernées. La production d'eau dessalée devrait remédier au déficit en matière d'AEPI estimé à environ 20%. Pour ce faire, les unités qui seront implantées dans différents sites devraient fournir à moyen terme 1,2 million de mètres cubes et à long terme 2,2 millions de mètres cubes. Autrement dit, il ne s'agit pas d'une mesure d'urgence mais d'un choix définitif des autorités. D'ailleurs, lors de la dernière réunion des directeurs de l'hydraulique des wilayas, le premier responsable du secteur, Abdelmalek Sellal, a indiqué que "l'Etat a mis le paquet" pour la réussite de ce programme. La mise en œuvre de cet important projet a été confiée à seulement deux intervenants, à savoir l'Algérienne des eaux (ADE) qui le chapeaute entièrement et la société Algerian Energy Company (AEC) détenue à parts égales par Sonatrach et Sonelgaz, à qui échoit la recherche d'investisseurs pour la réalisation de grandes stations selon la formule BOO (construire, posséder, exploiter), c'est-à-dire sans l'intervention de l'Etat. En 2001, quelque 21 petites stations d'une capacité de 2500 m3 chacune totalisant 57 000 m3 ont été réalisées grâce aux moyens financiers alloués par l'Etat. Une douzaine de stations de grande dimension dont certaines sont en cours de réalisation sont également inscrites dans ce programme. Dans ce cas de figure, l'Etat n'est nullement engagé sur le plan financier.