Les anciens détenus des camps de Reggane demandent une indemnisation. Le ministère des Affaires étrangères a été saisi sur le cas des 52 Algériens condamnés à la peine capitale ou à l'amputation d'une main en Libye. Pendant une heure et demie samedi soir au Forum de l'ENTV, le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (CNCPPDH), Farouk Ksentini, a tenté de donner à son organisation un rôle prépondérant dans la défense des droits humains en Algérie. Il a fini par reconnaître qu'elle ne sert que de relais aux institutions de l'Etat, particulièrement la présidence de la République. “Nous n'avons pas le pouvoir de décision. Nous restons au stade des idées et des propositions”, a-t-il avoué. A contrario, il a soutenu fermement que la commission qu'il préside est totalement indépendante. “En six ans d'existence, nous n'avons jamais reçu une seule instruction ou remarque de la présidence de la République.” Institution suprême qui sera destinataire, dans les prochains jours, du rapport annuel sur la situation des droits de l'Homme dans le pays. Le document dresse le bilan, a indiqué M. Ksentini, de la réconciliation nationale, de la réforme de la justice, de la situation de la femme, de l'inflation… “La cherté de la vie est devenue un phénomène dramatique. Il faut que le gouvernement prenne des dispositions pour le juguler.” Il a ajouté que l'Algérien ne comprend pas pourquoi sa situation sociale demeure difficile, alors que le pays dispose d'une manne financière rarement égalée de toute son histoire de république indépendante. Répondant à une interrogation d'un journaliste présent sur le plateau, Me Farouk Ksentini a confirmé que des ex-détenus des camps du Sud, institués au début des années 1990, se sont rapprochés de la commission pour demander un dédommagement pour la période passée en détention sans procès. “Nous avons estimé leur requête légitime, car ils ont subi des préjudices moral et matériel. Nous l'avons transmise au chef de l'Etat.” Le président de la CNCPPDH a évoqué, en outre, sur sollicitation de l'animatrice de l'émission, le cas des 52 Algériens condamnés récemment en Libye à la peine capitale, pour les uns, et à l'amputation d'une main, pour les autres, pour avoir été accusés de vol. Me Ksentini a affirmé être ébranlé par leur histoire. “Leurs avocats nous ont saisis, il y a quelques jours seulement. Ils demandent à ce qu'ils purgent leur peine en Algérie. J'ai été très touché. J'ai envoyé une correspondance au ministère des Affaires étrangères pour qu'il prenne en charge leur cas”, a-t-il informé. Il a ajouté que 32 autres ressortissants algériens croupissent dans des prisons tunisiennes. En tout, ils sont environ 300 Algériens privés de leur liberté à l'étranger. Dans le nombre figurent les 17 nationaux détenus à Guantanamo. “Nous n'avons pas le droit d'intervenir directement auprès de l'administration de la Maison-Blanche. Nous avons alerté les organisations des droits de l'Homme sur leur situation, dont Human Rights Watch.” Me Ksentini a assuré que les camps de Guantanamo seront fermés avant la fin du mandat de l'actuel président américain, arguant que ces prisons sont une honte dont ne voudrait pas hériter le successeur de George W. Bush, quelle que soit sa couleur politique (démocrate ou républicain). L'invité du Forum de l'ENTV a, par contre, nié vigoureusement l'existence de prisons secrètes en Algérie. “Ce sont des allégations folkloriques de personnes qui veulent ternir la réputation du pays”, a-t-il expliqué. Dans un retour vers le thème de la réconciliation nationale, qui a occupé un chapitre important du dernier rapport de la CNCPPDH, Me Ksentini a rappelé que la philosophie de cette démarche ne s'incarne pas “dans une confrontation entre deux forces, mais plutôt dans une volonté d'amener les islamistes et les démocrates à vivre ensemble et à se supporter les uns des autres”. Il a affirmé que les derniers attentats qui ont endeuillé Alger sont commandités de l'extérieur du pays. De son avis, “ce terrorisme de deuxième génération utilise des techniques sophistiquées qui appellent à de nouvelles dispositions de loi”. La Charte pour la paix et la réconciliation nationale ne saurait servir de palliatif à la lutte armée. D'autant que les problèmes inhérents à ce qu'on appelle par euphémisme “tragédie nationale” ne sont pas encore réglés. Me Ksentini a cité quelques exemples sur lesquels sa commission interfère. Une grande partie des 7 200 familles de disparus attend toujours une indemnisation. Beaucoup de bénéficiaires de la charte n'ont pas été réintégrés à leurs postes de travail pour des raisons bureaucratiques… Le sort des Patriotes et des GLD (groupes d'autodéfense) n'est pas encore clair. “L'Etat leur rendra le bien qu'ils ont fait”, s'est limité à dire le président de la CNCPPDH. Souhila H.