Le projet de rapport du Conseil national économique et social (Cnes) sur la politique monétaire en Algérie, rendu public hier à l'issue de sa 26e session plénière, a recensé beaucoup de carences dans le système bancaire. Sur un ton aigre-doux, le Cnes indique que la reprise de la croissance économique, portée essentiellement par les hydrocarbures et les services et secondairement par l'agriculture et le BTPH, n'a pas été inflationniste, mais elle n'a pas été créatrice d'emploi. Deuxième verdict : « Si la phase de stabilisation est remarquablement réussie, hormis le pénible problème du chômage, les réformes structurelles accusent un retard considérable dans tous les domaines y compris celui de la politique monétaire. » A l'exception donc du niveau de croissance économique satisfaisant et la maîtrise de l'inflation à moins de 3%, les paramètres de la politique monétaire restent à la traîne des défis économiques que l'Algérie doit relever à la veille de l'entrée en vigueur de l'accord d'association avec l'Union européenne et de son accession à l'OMC. Au passage, le Cnes, qui a établi son rapport sur les bilans de la Banque d'Algérie, déplore que cette dernière met de « 10 à 12 mois de retard » avant la publication du rapport annuel sur la situation économique et monétaire du pays. Afin de diagnostiquer l'état des lieux, le Cnes rappelle que les objectifs de la politique monétaire depuis 2001 consistent en deux volets : assurer la stabilité des prix et du taux de change en compatibilité, d'abord, avec le plein emploi des ressources et, ensuite, avec une croissance rapide de l'économie. Or, remarque le Cnes, la Banque d'Algérie n'a retenu que l'objectif de la stabilité des prix. Pour corroborer son constat, le Cnes avance le cas du système européen des Banques centrales qui, tout en viellant à la stabilité des prix, contribuent activement à la croissance économique et au plein emploi. Devant ce fait, le Cnes se demande : « A quoi bon avoir un taux d'inflation de moins de 3% et un taux de chômage de plus de 17 % ? » Plus circonspect, le Cnes s'interroge sur la possibilité de maintenir la cible plafond de 3% d'inflation dans les conditions de chômage que l'on connaît. « Le pari semble difficile », prévoit le Cnes. En guise d'appui, l'institution de Mohamed Seghir Babès, fraîchement élu à la tête du Cnes, s'est référée aux points de vue des managers des banques publiques qui reviennent sur la problématique de la surliquidité bancaire qualifiée de « préoccupante ». Ainsi, illustrent-ils, près de 1000 milliards de dinars se trouvent stérilisés dans le système bancaire. « Le financement des investissements, surtout des PME/PMI, demeure toujours faible, voire en régression par rapport aux années précédentes », déclarent, sans ambages, les banquiers publics, selon le rapport de juillet 2005. En contrepartie, le Cnes suggère que le financement efficace de la sphère économique réelle exige, en plus des instruments monétaires adéquats, une configuration institutionnelle développée et des opérateurs économiques éligibles. Toutefois, recommande le Cnes, les critères d'éligibilité devraient être fondés non pas sur les garanties réelles ou personnelles, mais principalement sur la valeur économique et les perspectives de rentabilité des investissements. La dormance du dinar dans les banques a provoqué une situation paradoxale puisque le secteur économique accuse un déficit de financement « qui s'amplifie d'une année à une autre ». Il est donc évident que le fonctionnement du marché monétaire a montré ses limites. Dans ce registre, le Cnes regrette les lourdeurs administratives et le fonctionnement archaïque de la centrale des risques par rapport aux exigences du marché. Deux lacunes qui rendent difficile la prévention des risques bancaires et financiers. En outre, il souligne que plusieurs institutions fonctionnent « très partiellement », comme la centrale des risques, la centrale des impayés et le marché des changes. A court terme, le Cnes recommande la mise en place de la télécompensation et la centrale des bilans.