Londres était en état d'alerte depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ciblant les Etats-Unis. Cependant, au mois de juin, le niveau de menace terroriste, selon les services de sécurité, est passé de « grave-général » à « important ». Pour Anthony Glees, spécialiste des services de renseignements, cité vendredi par le journal The Guardian, on pourrait se demander le pourquoi d'une telle décision alors que la Grande-Bretagne s'apprêtait à accueillir le sommet du G8. Le niveau de « grave-général » n'a pas été décrété par Scotland Yard avant la série d'attentats terroristes de jeudi dans différents endroits de Londres. Les explosions ont donc surpris aussi bien la police que les services de sécurité. Une source de Scotland Yard a déclaré à la presse : « C'est une surprise totale. Nous étions fiers des progrès réalisés au cours des dernières années, mais ce soir, nous devons repartir à zéro. » Les spécialistes des questions terroristes estiment que les attentats portent certainement la marque d'Al Qaîda du fait de leur similarité avec les attentats contre le métro de Madrid, lesquels avaient tué quelque 200 personnes en mars 2004. Néanmoins, la grande question que se posent les services de sécurité est de savoir si ceux qui ont perpétré les attentats sont des cellules « dormantes » d'Al Qaîda ou des « produits locaux », c'est-à-dire des citoyens britanniques ou encore des personnes qui résident dans le pays depuis de longues années. Le journal The Times écrivait vendredi que « les terroristes, qui sans aucun doute font partie d'un groupe islamiste, auraient pu s'affirmer selon les deux possibilités suivantes : la menace familière aux autorités et celle qui vient des réseaux d'Algériens et de Nord-Africains qui se sont établis en Grande-Bretagne dans les années 1990. L'équipe d'Al Qaîda à l'origine des attentats de Madrid répond au même profil ». The Times ajoute que « par le passé, la police britannique a eu aussi affaire à des suspects terroristes nés en Grande-Bretagne, recrutés ici et endoctrinés à l'étranger ». « Quelle que soit leur motivation, ils sont inconnus par la police et les services de sécurité. » Des experts cités par la BBC ont indiqué que « les cerveaux » des attentats de jeudi, « qui ne risqueraient pas leur propre vie, ont sûrement quitté la Grande-Bretagne il y a plusieurs jours, ou auraient planifié les attentats de l'étranger ». Toujours est-il que des personnalités influentes n'ont jamais cessé depuis le 11 septembre 2001 de répéter que des attentats contre Londres étaient « inévitables », y compris l'ancien directeur de Scotland Yard, Sir John Stevens, et la directrice des services secrets du MI5, Dame Eliza Manningham-Buller. Cette année, le nouveau chef de Scotland Yard, Ian Blair, a déclaré que Londres était une cible « immense » pour Al Qaîda, avant la tenue du sommet du G8. Le professeur Wilkinson, qui dirige le Research Institute for the Study of Terrorism and Political Violence à l'Université de St Andrews, a déclaré que ces mises en garde montrent que la police et les services de sécurité sont réalistes et n'ont pas cessé de répéter qu'il n'était pas important de savoir si un attentat allait avoir lieu, mais quand. « Malheureusement, ils ont vu juste. Il est très difficile de se protéger contre ce genre d'attentat dans une société ouverte et démocratique », a-t-il ajouté. De son côté, David Capitanchik, de l'Université de Aberdeen, en Ecosse, a déclaré : « Il ne fait aucun doute que c'est l'œuvre d'Al Qaîda, ou l'une des organisations qui lui sont affiliées. Ils n'auraient jamais ciblé une installation militaire ou le G8. Ils ont choisi des cibles « soft », des gens ordinaires qui vaquent à leurs occupations quotidiennes, afin de causer le maximum de dégâts et de terreur. Leur philosophie est : Pourquoi attaquer le tigre quand il y a autant de moutons. Nous avons assisté au même scénario à Bali, à Madrid, et bien sûr pour le 11 septembre ». Sir John Stevens avait averti peu avant sa retraite, en début d'année, que quelque 200 activistes d'Al Qaîda se trouvaient en Grande-Bretagne, dont un grand nombre d'entre eux sont des anciens des camps afghans, entraînés par les lieutenants d'Oussama Ben Laden. De hauts responsables de la lutte antiterroriste avaient indiqué que les suspects qu'ils essayaient de neutraliser étaient devenus extrêmement sophistiqués. Des informations reprises par la presse des services de sécurité, il y a quelques semaines, laissaient entendre que Mustapha Setmarian Naser, le cerveau des attentats de Madrid, serait toujours en fuite et aurait planifié des attentats contre la Grande-Bretagne. Il avait vécu temporairement dans un quartier du nord de Londres dans les années 1990, et aurait laissé derrière lui des cellules « dormantes » qui n'attendaient que les instructions pour agir. Depuis les attentats du 11 septembre, autour des édifices tels que la Maison des parlements et l'immeuble de Scotland Yard, ont été érigés des murs de sécurité et mis en place un système de fouille rigoureux des visiteurs. D'autre part, le gouvernement a dépensé quelque 56 millions de livres (100 millions d'euros) dans la mise en place d'unités de décontamination afin de parer à toute éventualité en cas d'attentats chimiques, biologiques ou d'attaques à la bombe « sale », c'est-à-dire la bombe nucléaire. Des millions de livres supplémentaires ont été injectés dans le renforcement du système de recherche et de sauvetage des pompiers, de la santé, afin de faire face à un attentat bio-terroriste. La branche antiterroriste de Scotland Yard a pour sa part bénéficié de 50 millions de livres et emploie actuellement 1000 détectives, soit la plus grande opération du genre dans le monde, selon les experts. Tous ces efforts ont réussi à mettre en échec les plans des réseaux terroristes... jusqu'à jeudi matin.