A 45 km du chef-lieu de la wilaya de Ouargla, Gherss Boughoufala est une petite localité dunaire baignée de sable et de soleil chaud. Ce lieu-dit, au nom rébarbatif, est pourtant l'endroit idéal pour la cristallisation du gypse, générateur de la fameuse rose des sables. Une étendue de dunes à ciel ouvert, des palmeraies luxuriantes et des serres de tomate, poivron et pastèque, tel est le point commun de tous les petits villages épars de Hassi Lekhfif, Frane et Gherss Boughoufala. De tous, ce dernier se distingue par des gisements de roses des sables, les plus belles du pays vu la qualité des cristaux et surtout leur couleur d'un rose ocre spécifique à la rose des sables algérienne. Et alors qu'ailleurs elle est forcément plus pâle, disent les spécialistes, allant vers le jaune, on l'appelle « lous », tandis qu'ici elle prend le nom de rose. Hélas, peu de gens savent que la carte postale du défunt Souk El Hadjar de Ouargla aux mille roses des sables devait toute sa splendeur et sa notoriété à cette petite localité, restée anonyme. Une kyrielle de palmeraies. Il faut d'abord traverser une trentaine de kilomètres du centre-ville de Ouargla, en direction de N'gouça, chef-lieu de commune et de daïra. Des palmiers à perte de vue. Jardins protégés mais aussi palmiers solitaires resplendissants de verdure, malgré l'abandon. Après, il faut parcourir 5 km plus au nord entre dunes de sable et palmeraies jusqu'à El Bhour, dernier point de la ligne des transports publics avant la bifurcation vers Frane. A El Bhour, des taxis clandestins peuvent vous conduire 7 km plus loin vers le paradis de la pierre ornementale. Et si les cristaux, objet de notre déplacement, sont accessibles à tous avec une grande disponibilité sur le marché, c'est grâce à de vieux connaisseurs originaires de la région qui ont fait de l'extraction de la rose leur métier. A la rencontre de la fille de gara, sur l'immense plateau de sable qu'offre ce petit village parsemé de jardins et de maisons en toub, des spécialistes comme Khouildi et Benyounès savent flairer la branche de roses. « C'est à la dureté de la surface des garas qu'on reconnaît au fait l'existence d'un gisement », explique Benyounès. « El ouerda bent el gara », littéralement « La rose, fille de gara », ajoute-t-il. Mais qu'est ce qu'une gara ? « Il s'agit d'une dépression fermée et peu salée parsemée de dunes de sable. Les garas sont très fréquentes dans certaines zones du Sahara, mais celles de Gherss Boughoufala doivent leur existence au sol environnant à régime hydrologique superficiel qui dépend de la fréquence et de l'ampleur des crues des oueds périphériques », ajoute Khouildi qui a pu se renseigner sur la nature du sol générateur de roses auprès d'un géologue français de passage dans la région. Oued N'ssa en l'occurrence mais aussi les affluents de Oued Mya sont propices à l'irrigation superficielle de ces dépressions où gypse, argile et silice se marient sous une surface dure de couleur sombre. Les garas de Khouildi et de Benyounès offrent une topographie à la planitude apparente ou des périodes d'ennoyage et d'assèchement s'alternent avec une intense évaporation durant la saison sèche. Cette alternation entraîne une sédimentation de sable et autres particules apportés par les crues et la forte présence de sel et contrecarre l'implantation d'une végétation sur la gara. « C'est la cristallisation du gypse au sein de ce milieu favorable qui enfante la rose à partir d'un germe quelconque qui croît dans tous les sens grâce à la roche d'argile et au sable imbibés d'eau », nous explique nos interlocuteurs. Une eau dite séléniteuse riche en sulfate et calcium. On nous explique aussi qu'en période sèche et vu l'évaporation, les cristaux de gypse grossissent et forment des branches de roses qui poussent à l'horizontale. Des branches qu'on peut trouver à une dizaine ou une quinzaine de mètres seulement sous terre et qui s'étendent à l'infini jusqu'à ce que la main de l'homme vienne les découvrir et ainsi stopper le processus de croissance. C'est pour cette raison que Khouildi et Benyounès appellent les autorités locales « pour mettre fin au massacre des non professionnels ». Des commerçants qui ne connaissent de la rose que le gain qu'elle apporte et qui, dépourvus de permis d'exploration et d'exploitation, sévissent dans la région selon les habitants. Il faut beaucoup de temps pour que la rose cristallise, d'où la nécessité d'une étude du gisement, de la mise en place d'un système de surveillance et de contrôle de ces richesses par l'application pure et simple de la nouvelle loi sur les mines. Mais encore faut-il que l'APC prenne conscience de cette réalité et travaille en ce sens avec la direction de l'industrie et des mines.