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Robert-Louis Stevenson, l'un est l'autre
Le grand jour de M. Hyde
Publié dans El Watan le 21 - 07 - 2005

Né en 1850 à Edimbourg, Robert-Louis Stevenson s'est rendu célèbre grâce à deux romans : L'île au trésor, qui s'adresse aux jeunes, et Le cas étrange du Dr Jekyll et de Mr Hyde, qui est censé recruter une clientèle d'adultes intoxiqués par la peur.
Ce n'est pas tant la question de la morale qui justifie cette distinction entre les deux œuvres. Les critiques s'accordent à dire que Stevenson a été un homme bien élevé, un homme de bien, tant et si bien qu'il eut droit à la plus belle des oraisons funèbres. On dit qu'un Indien de l'île d'Apia, où l'écrivain avait choisi de finir sa vie, s'accroupit auprès du défunt et laissa tomber un jugement sans appel : « Après lui, il n'y aura plus d'hommes. » Celui que les Polynésiens avaient surnommé Tusitala, le conteur d'histoires venait de mourir dans le pays où il avait trouvé le bonheur. Dans les bras de la femme aimée, la magnifique Fanny Osbourne, loin de l'Angleterre victorienne, Stevenson s'était donné le temps de couler des jours heureux avant que la tuberculose, sournoisement introduite dans ses jeunes poumons et irrémédiablement alimentée par l'humidité de son Ecosse natale, n'ait eu définitivement raison de lui. Le voyage puis l'installation dans les pays où jamais où il ne pleut sans être pour autant imbéciles lui avaient accordé une rémission salutaire tant physiquement qu'intellectuellement.
Dans les territoires des ténèbres
Stevenson ne se sentait pas bien là où le hasard l'avait fait naître pour lui réserver la meilleure des éducations. Trop. Le problème du mal et de sa prédestination qui traverse son œuvre montre que la morale n'est jamais une question réglée pour l'homme qui réfléchit et écrit, peut-être parce que cet homme subit la réelle dureté dans sa vraie vie à l'ombre des familles austères et puritaines du presbytérianisme écossais. Heureusement, sa vieille nounou racontait au jeune Stevenson les légendes immémoriales du pays du Loch Ness. Il est plaisant de croire que c'est cette vieille femme qui est à l'origine d'une brillante carrière d'écrivain. C'est peut-être, en l'écoutant, que l'enfant s'était vu ouvrir les chemins qui parcourent les territoires des ténèbres. Peut-être faut-il situer dans la prime enfance de Stevenson le goût de l'aventure et du risque, qu'elle se fasse au grand jour pour inciter les enfants à aller chercher ailleurs un trésor ou bien lorsque le soir tombe, favorisant les sombres acoquinements des personnes plus âgées. Dans les deux cas, un seul ennemi : l'ennui. Un seul adversaire : la peur, version légère dans L'île au trésor qui propose une réalité hostile, car lointaine et inconnue. Autrement plus trouble et plus compliquée est la peur que l'on éprouve chez soi, chaque jour en se contemplant dans un miroir. Frousse garantie quand le miroir se déforme légèrement. Nul besoin d'accentuer les effets. Mr Hyde est plus effroyable que le grossier robot de Frankenstein, parce qu'il est humain. Parce qu'il est moi ou vous. Chacun de nous. En nous. L'homme reste la cause la plus parfaite de la peur qui assombrit nos nuits. Dans Le cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, la peur trouve une formidable exploitation littéraire au cœur de la City, dans cette Angleterre victorienne et puritaine où les maisons sont closes, protégées par un goût prononcé pour la sagesse publique. A Londres, vivent trois amis qui sont des notables, des hommes respectés et respectables. Deux d'entre eux sont des médecins qui ont fait une solide carrière et le troisième est un notaire qui a pignon sur rue. Rien à signaler. Le temps est calme et les nuits si belles. Les heures s'égrènent à l'ombre de Big Ben, emportant les années monotones. Un jour, l'un des trois amis, à force de méditer sur l'humaine condition, bute sur une vérité : l'homme n'est en réalité pas un, mais bien deux. Mi-ange, mi-bête. Pas de quoi fouetter un chat. L'histoire de la dualité humaine était classique, remodelée à la manière romantique par le diable tentateur de Faust. Un savant, l'appel du « mal » dans une existence d'ennui : voilà les ingrédients essentiels pour revisiter la question de la dissociation de la personnalité. Le génie de Stevenson a été d'éviter le piège de la transformation fantaisiste. Lorsque le bon DrJekyll devient Mr Hyde, il est juste un peu plus jeune, un peu plus petit, plus léger, plus heureux bien sûr parce que plus méchant, dix fois plus méchant. Il n'est pas vraiment laid ni même difforme, et à le voir, on ne serait pas tenté de prendre la poudre d'escampette comme dans le film de Zukor à chaque fois que John Barrymore apparaît, salement grimé. Le cinéma, souvent, ne rend pas service à la littérature, se croyant obligé d'aggraver le sens par l'impact des images. Non ! Mr Hyde ne fait pas peur. Ce n'est pas lui qui fait peur, mais la City qui couve en son sein certains quartiers réservés comme ceux de haute sécurité des prisons, un territoire où l'on pénètre en laissant sur le seuil sa peau honorable, comme son chapeau au vestiaire des tripots. Juste derrière un grand boulevard, une ruelle mal éclairée, une porte soigneusement décrite, un immeuble gris et massif, des pas rapides qui résonnent sur le pavé. Une larve glisse dans le brouillard. Mr Hyde. Rien de précis. Une atmosphère.
Etranges lueurs dans les consciences...
On est loin de la peur traditionnelle, plus proche de l'appréhension qui noue l'estomac du notaire qui piste Mr Hyde et ne lâche pas sa proie, comme s'il courait après un autre lui-même. D'étranges lueurs dans les consciences des gentlemen londoniens. Les protagonistes du récit de Stevenson sont des hommes solitaires, tous. Pas de femme, curieusement, alors que l'affiche du film de Zukor expose une belle attablée avec la bête qui ne fait même pas peur. L'univers romanesque de Stevenson est exclusivement masculin comme dans ces clubs anglais très fermés. Quartiers réservés, où l'amitié se garde sous le sceau du secret et exclut toute présence policière bien qu'il y ait crime et nécessité d'enquête. C'est Utterson qui se charge de tout. L'irréprochable notaire a de tout temps éprouvé une sorte de fascination pour les désirs et les dérèglements de ses concitoyens. Dans sa vie réglée comme une mécanique parfaitement huilée, le notable se donne le meilleur rôle en affichant sa disponibilité au moment où il faut secourir ses frères en voie de perdition. Tout va bien pour lui jusqu'au jour où Mr Hyde se fait connaître. Désormais, plus question d'indulgence. Impitoyable à la manière de l'inspecteur Javert aux trousses de Jean Valjean, le bon notaire n'a de cesse de mettre sa main au collet du grand délinquant. Il lui faut coûte que coûte contempler les traits de Mr Hyde, et quand c'est fait, le voilà qui demeure troublé comme s'il avait vu un revenant : son passé avec ses péchés, rien de bien méchant, des mauvaises actions dont il a honte parce qu'il les avait commises, mais aussi un sentiment de reconnaissance pour toutes celles qu'il avait failli commettre. Est-ce donc cela l'effet Hyde ? Le trouble d'un homme irréprochable confronté à son propre reflet ? On est très loin de la grande peur attendue, bien plus près de ce que l'on appelle l'appréhension et qui montre sa pleine efficacité, lorsque dans la dernière partie du roman, Stevenson nous fait entendre la confession du bon Dr Jekyll. Nous étions comme le notaire, comme dans notre vie de tous les jours, bercés par les fautes des autres, rassurés par le silence qui plombait nos mauvais instincts solitaires. Et voilà que tout à coup, le coquin exceptionnel se présente à nous, à genoux, exposant le dur calvaire d'un homme, pas plus mauvais qu'un autre, brillant chercheur, charitable entre tous. Oui ! J'ai cédé à la tentation du mal. Oui ! c'était bon, mais quelle souffrance de constater ma propre déchéance. Mr Hyde finit par avoir la peau du Dr Jekyll qui, demain, ne verra pas venir le jour pour le libérer de la lourdeur de ses nuits. Demain, il n'y aura pas non plus de nuit pour Mr Hyde qui se suicide et dont le cadavre est découvert par Hutterson dans la chambre du Dr Jekyll. Ainsi s'achève Le cas étrange du Dr Jekyll et de Mr Hyde. Double peine, double mort. Le pire est de constater que le mal, contre toute attente, est capable de se tuer lui-même. La pire des appréhensions. Si le diable est capable de se régler son propre compte, que reste-t-il des sermons et de la morale ? Que deviendra le bien ? Etranges troubles de la conscience par temps calme, dans les maisons protégées par la sagesse publique et londonienne. Stevenson sauve la morale dans ce qu'elle a de plus exigeant, lorsque le moi social et respectable accepte d'affronter son moi haïssable, seul à seul, comme des grands. Sur son île, la jeunesse qui s'ennuie a tout à gagner en cherchant un vrai trésor, pas loin, de l'autre côté du miroir. Un regard qui grimace. Un sourire qui déforme l'âme. Un reflet un peu inquiétant, quelque chose qui nous ressemble sans être tout à fait nous. La grande peur. Ainsi, au moment de notre mort, quelqu'un pourra dire : « A présent, il n'y a plus d'hommes. »


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