Si dans d'autres contrées, l'été rime avec détente, sorties et plages, aux Emirats, il est synonyme d'ennui, de chaleur dépassant les 45°C à l'ombre et d'humidité à vous couper le souffle. Ainsi, à peine l'année scolaire bouclée que les familles expatriées, occidentales notamment, s'empressent de prendre le chemin du retour vers leur pays d'origine. « Il faut avoir une sacrée dose de courage pour laisser ses enfants passer les vacances d'été ici », pense Najib, un architecte tunisien nouvellement installé dans la région du Golfe. Je crois qu'il n' y a rien d'intéressant à faire, sauf peut-être à regarder les chaînes musicales arabes à longueur de journée et profiter de la fraîcheur artificielle et maladive que nous procure l'air conditionné. » Même opinion chez Michael, professeur d'anglais au British Council, qui, lui, préfère de loin les Emirats pendant la période hivernale. « Le temps est doux et l'humidité quasiment inexistante. Vous pouvez sortir sans craindre d'être brûlé par le soleil, vous allonger sur le sable fin des plages ou sur le gazon, siroter un thé dehors ou simplement organiser des virées hebdomadaires dans le désert. » Aux Emirats et quasiment dans tous les pays du Golfe, la saison estivale est plutôt une période morte. Tout fonctionne au ralenti. Les marchés qui, en d'autres temps, grouillent de monde et de vendeurs de toutes les nationalités, deviennent soudainement paisibles et silencieux. Les rues assourdissantes et inondées de voitures se désengorgent naturellement. L'activité économique et touristique baisse considérablement, au point de se demander si certaines entreprises ne ferment pas carrément leurs portes durant l'été. Pas de festival de musique, ni de cinéma ou de théâtre dans les agendas culturels des villes. Seules quelques structures associatives financées par l'Etat tentent, sans y parvenir, de briser la monotonie quotidienne dans laquelle tombent les habitants qui n'ont pas la chance de partir ailleurs. Pour échapper à l'ennui et à la chaleur, les gens se réfugient dans les malls, sorte de gigantesques supermarchés de plusieurs hectares implantés ici et là à travers tout le pays. On y vient en famille pour faire du shopping, lécher les vitrines luxueuses et bien éclairées, déjeuner ou simplement se dégourdir les jambes sur le sol marbré et lisse. Un autre monde fait de lumière et de jets d'eau multicolores où il fait à peine 15°C, alors que la température à l'extérieur est proche de celle de l'enfer. « Se promener dans le mall est devenu un sport national de tous les Emiratis », explique Hussein un Libanais qui travaille comme vendeur dans la boutique de vêtements pour hommes Zara. « Je vois les mêmes personnes presque quotidiennement. Elles viennent déambuler à l'intérieur du mall, sans but apparent, perdus dans des vagues successives d'hommes et de femmes qui rentrent et sortent sans cesse. De cafés en boutiques, de boutiques en salles de cinéma, chacun essaye de meubler son temps comme il peut », ajoutera-t-il. Ce va-et-vient quotidien est une aubaine pour les commerçants et autres entreprises qui n'hésitent pas à faire appel aux dernières techniques de marketing pour tripler leur chiffre d'affaires. Plus que cela, la saison estivale est décrétée comme la période du shopping dans toutes les villes du pays, notamment Abu Dhabi et Dubaï. Jeux interactifs, loteries et autres concours sont organisés quotidiennement dans ces supermarchés géants. On peut y gagner des voitures dernière génération, plusieurs kilos d'or et des voyages touristiques de luxe. Les séances sont souvent retransmises sur des chaînes de télévision locales, où il est bon de se faire voir. Lependant, malgré tous les efforts déployés et l'argent à gagner, le caractère monotone et flegmatique de l'été aux Emirats demeure le même. Vous penseriez peut-être à la mer, d'autant plus que le pays est cerné de tous les côtés par l'eau ? Mais non, le soleil de « plomb » qui tape dès les premières heures du matin et l'eau excessivement salée et à la limite du bouillonnement dissuadent les plus téméraires. Un désert à quelques mètres du rivage. Il reste donc deux solutions : aller à la piscine moyennant des frais d'entrée très élevés ou pratiquer le second sport national du pays, en l'occurrence la sieste. La deuxième option semble être la plus prisée des Emiratis. Elle est gratuite et ne demande pas beaucoup d'efforts. Ainsi, il n'est pas rare de croiser des gens avec des visages gonflés de sommeil la nuit tombée. Une vie à l'envers...