L'immense plage d'Ouréah vers laquelle convergent, tous les ans, des millions d'estivants ne cesse d'occulter l'histoire de cette minuscule mais ô combien pittoresque bourgade. Notamment, depuis l'ouverture de la double voie qui relie les deux plus grande cité de l'Ouest. En effet, depuis l'inauguration de ce tronçon de la RN11, plus personne n'ose faire un crochet par le centre du village où la vie semble figée. Pourtant, la proximité de la mer ne semble intéresser personne parmi ses habitants dont, seulement, quelques familles continuent de tirer quelque avantage de la pêche que d'irréductibles marins persistent à pratiquer ; non pas pour la gloriole, mais surtout pour une impérieuse nécessité de subsistance. Rattachée administrativement à la commune de Mazagran, elle ne semble tirer aucun avantage de ce découpage. La mairie qui y maintient une présence toute symbolique, ne semble s'intéresser qu'à la plage. Car durant les derniers mandats municipaux, l'annexe communale de Ouréah permettait à la majorité d'y affecter l'élu le plus vindicatif. Rares seront les délégués municipaux qui accepteront, de gaieté de cœur, une affectation dans cette annexe construite sans goût ni attraits. Pourtant, à l'image de Mazagran ou de Stidia sa voisine du couchant, Ouréah, à en croire les derniers vestiges encore visibles, n'aura pas démérité. Adossée au flanc d'une colline qui la pousse affectueusement vers la mer, la bourgade aura vécu d'innombrables péripéties. A la vue de son ancienne école, de type colonial, construite dès 1925, on devine que malgré l'exiguïté de la cité, il y avait, incontestablement, un intéressement à ériger, sur deux niveaux, cette institution destinée à véhiculer le savoir. C'est ainsi que l‘on découvre, tapie derrière une maison de construction récente, une ancienne briqueterie artisanale qui date de la fin du 19ème siècle. Une source indomptable Installée au bord d'un ravin d'où ruisselait une eau féconde, l'usine aura, certainement, participé à l'opulence de la cité. Alors que les anciennes tuiles continuent encore de couvrir les vieux ateliers, la cheminée n'aura pas survécu à la négligence humaine. Un opérateur aura, vaillamment, tenté de délocaliser cette usine traditionnelle en implantant une autre, plus moderne, mais à l'usage, il se fera rattraper par les traites bancaires. Ce qui lui vaudra une saisie qui transforma son rêve et celui des habitants, en une descente aux enfers. La population qui continuait de croître tout en s'accrochant, désespérément, au flan rocailleux de la montagne dans l'espoir de trouver un emploi, finira par désenchanter. Malgré l'installation d'un énorme équipement, la nouvelle briqueterie ne démarrera jamais. Rares sont les habitants qui se souviennent, également, des fameux vergers d'Ouréah où des paysans avisés, cultivaient de somptueux orangers que la cascade, en amont, abreuvait d'une eau limpide. Qu'une source indomptable continue d'offrir, parcimonieusement, à une population assoiffée. Car les anciennes galeries, creusées à même la montagne pour en retirer le précieux liquide, ont été abandonnées à leur sort. Même l'imam de la minuscule mosquée continue de s'accrocher à une petite citerne qui encombre une partie du trottoir. Sa citerne ne lui est d'aucun secours car elle est souvent vide. La distribution d'eau n'excédant pas les deux heures quotidiennes, tout le monde converge vers la source. Pourtant, à moins de 300 mètres de là, longeant la route nationale, se dresse, avec ostentation, une station de refoulement de l'eau du Gargar, destinée à la ville d'Oran. A Ouréah, les plus âgés évoquent, avec beaucoup de nostalgie, voire de ressentiment, le temps jadis où leur paisible village embaumait la fleur d'oranger. Car en contrebas, la foule des estivants ne regarde que vers la mer. Ici, hiver comme été, l'unique épicier du village scrute patiemment la fugace clientèle du taxiphone. Car les vacanciers qui osent s'aventurer dans la bourgade ne sont pas légion. Ouréah, à l'image de ses habitants, à l'amabilité proverbiale, continuera de somnoler loin du vacarme estival.