Quelque 500 gendarmes et policiers ont été mobilisés, jeudi dernier, pour des descentes musclées dans les quartiers et cités dits chauds de Annaba. Cette opération qualifiée de « coup de poing » serait justifiée par la 2e position, après Alger, qu'occupe Annaba en matière de banditisme. Ce n'est pas la première fois que pareille manifestation de tentative de reprise en main de la sécurité des biens et des personnes est organisée conjointement par le haut commandement de la Gendarmerie nationale et la Direction générale de la Sûreté nationale. Il s'agissait d'une action ponctuelle tendant à juguler la hausse croissante des délits en tout genre commis par des délinquants et repris de justice. En quelques heures d'intervention, policiers et gendarmes ont procédé à l'arrestation de plus de 450 individus. La plupart sont âgés entre 20 et 35 ans. Plusieurs sont originaires des wilayas limitrophes intéressés par l'appât du gain facile via les agressions des couples, des automobilistes et par le fric-frac. D'autres habitent les cités périphériques du chef-lieu de wilaya. Ils sont tous représentatifs de la rancœur familiale, du mal du béton et de la lourde addition de l'exclusion du système scolaire, du chômage et de la petite délinquance. Le bilan bien maigre enregistré permet de dire que cette opération, « annoncée » plusieurs jours auparavant, n'a pas atteint ses objectifs. Cité Safsaf, vieille ville, Saroual, Sidi Achour, Bouzaroura, Chaïba, la corniche avec Refes Zahouane, Belvédère, ont été les cités, quartiers et plages ciblés par la turbulence des descentes. A la vue des gendarmes et policiers annonçant leur arrivée à coups de sirène et de gyrophare, les malfrats bien outillés en sabre, épée et couteau de boucher, et les « patrons » de la délinquance et du banditisme ont dû certainement ricaner, fourrer leurs attirails dans les buissons, le sable ou laisser dans leur repaire. « En signalant leur arrivée, les gendarmes et les policiers ont beaucoup plus fait peur aux estivants et touristes qu'aux criminels, délinquants et hors-la-loi qui se sont aussitôt terrés. Un effectif moins nombreux, en civil et voitures banalisées, aurait été plus efficace. Les individus interpellés ne tarderont pas à être relâchés pour saturation des capacités d'accueil des prisons même si la loi précise que tout interpellé en possession d'une arme blanche est passible d'une peine d'emprisonnement », explique Lamine T., un officier de police à la retraite. Il s'est étonné de la mise à l'écart des représentants locaux de la presse nationale lors de cette opération. Loin d'être des batailles d'images, les descentes opérées en différents sites de la ville se sont transformées en une simple querelle de clichés. Une fois les coins chauds visités sous le regard de quelques journalistes ramenés d'Alger et des délinquants interpellés qui en possession de boissons alcoolisées et qui de drogue ou d'une arme blanche, l'opération s'est poursuivie dans d'autres localités et sur la corniche. Des habitants et des estivants n'ont pas manqué de se poser des questions, notamment celle de la facture de l'opération qui pourrait être très élevée par rapport aux maigres résultats enregistrés. Même si les 2 services de sécurité ont réussi à appréhender une cinquantaine d'individus recherchés pour divers délits et crimes sur plus de 450 interpellés, le bilan n'a pas été en rapport avec le grand déploiement de force. Certes, l'apparition en uniforme des gendarmes et des policiers ainsi que leurs mouvements et le défilé de voitures de service avaient été suivis avec sympathie par les citoyens, mais chacun s'interrogeait si, en ciblant les délinquants de seconde zone, le vacarme fait autour de cette opération n'a pas servi à conforter l'impression d'impunité des hors-la-loi. Cette opération nous rappelle celle similaire d'il y a quelques mois. Les comptes rendus portés à la connaissance des citoyens s'étaient limités à un bref aperçu sur un voyage en train Alger-Annaba organisé par le haut commandement de la Gendarmerie nationale. Celle de jeudi n'a rien apporté de nouveau dans la lutte contre la délinquance et le banditisme. Quelques heures après leurs descentes, les gendarmes ont rejoint leur caserne et les policiers leur commissariat avec un arrière-goût d'inachevé. Ils s'étaient contentés d'un menu fretin sans réelle incidence sur cette lutte. La présence d'éléments scientifiques dans le groupe des brigades combinées d'intervention aurait pu enrichir les données des gendarmes et des policiers. Selon des sociologues, la hausse du phénomène serait le résultat de l'exclusion du système scolaire, chômage, promiscuité, perte de repères, fuite des valeurs, croissance des disparités, mal de vivre. Selon ces mêmes sociologues, cette liste de symptômes décrit une pathologie collective induite par la libéralisation de l'économie nationale qui aurait bouleversé les emplois, malmené l'identité collective et tiraillé le tissu social au point parfois de le déchirer.