Régnant sur la Mauritanie depuis plus de 20 ans, le régime d'Ould Taya, lui-même arrivé au pouvoir à la suite d'un coup d'Etat militaire, a été destitué de force, hier matin, par un groupe de militaires. Le coup d'Etat, après plusieurs tentatives avortées, a été cette fois-ci réussi. Le pouvoir est entre les mains des putschistes et le président déchu ne pourra tirer ni la carte des islamistes ni celle du GSPC pour couvrir le vent de révolte qui minait depuis longtemps son régime. En effet, les trois tentatives avortées de coup d'Etat en juin 2003, août et septembre 2004, ont été à chaque fois expliquées par Nouakchott comme étant soit des complots fomentés par la Libye, soit par les mouvements islamistes, présentés souvent comme principale source de tension en Mauritanie. Pourtant hier, les putschistes, des membres de la garde présidentielle, ont annoncé dans un communiqué signé le « Conseil militaire pour la justice » que les « Forces armées et de sécurité ont unanimement décidé de mettre fin aux pratiques totalitaires du régime dont notre peuple a tant souffert ces dernières années ». Les auteurs du coup d'Etat semblent être ceux qui étaient les plus proches d'Ould Taya puisque parmi sa garde présidentielle. La carte du terrorisme islamiste avec laquelle il s'est toujours défendu ne lui sera pas cette fois bénéfique comme cela a été le cas, début juin, après l'attaque de la caserne de Lemghity, au nord de la Mauritanie. En effet, le porte-parole de l'état-major militaire mauritanien avait annoncé, moins de vingt-quatre heures après l'attaque avoir identifié le groupe de Mokhtar Belmokhtar comme étant l'auteur de l'opération terroriste, en avançant des arguments qui n'ont convaincu ni les spécialistes des questions du terrorisme ni certaines capitales occidentales. L'organisation, les moyens utilisés et la stratégie de repli des assaillants, après avoir mis la main sur une importante quantité d'armement, laissent croire que le groupe qui a pris d'assaut la caserne de Lemghity a bel et bien bénéficié d'une complicité agissante auprès des militaires. Le coup était trop bien organisé dans une région où il est très difficile pour des étrangers de circuler ou de se cacher sans être repérés. Ce qui a poussé les spécialistes à retenir, plutôt, la thèse d'un groupe mauritanien d'opposition (à l'image de celui appelé « les Cavaliers du changement » par exemple) bénéficiant d'un soutien au sein d'une fraction de l'armée. Pourtant, les officiels mauritaniens ne pointent le doigt que vers le GSPC pour atteindre deux buts en même temps : brandir la menace islamiste, présentée comme principale source de tension, d'une part pour bénéficier de l'aide de l'Occident et, d'autre part, pour réprimer tout mouvement de révolte contre le régime, avec le consentement de l'opinion internationale, engagée dans la lutte contre le terrorisme islamiste. C'est dans cette optique qu'une vaste opération de chasse aux Algériens a d'ailleurs été engagée, avant même l'attaque de la caserne de Lemghity et bien après pour les présenter à l'opinion publique interne et externe comme étant « des membres de réseaux de soutien » aux groupes terroristes qui « veulent déstabiliser l'Etat mauritanien ». Certains de nos ressortissants ont été affreusement torturés, séquestrés et maintenus dans des lieux de détention secrets sans aucune preuve de leur implication dans des activités quelconques. Le même sort a été réservé aux opposants mauritaniens soumis à une répression des plus féroces. Ainsi, le coup d'Etat d'hier contre le régime d'Ould Taya a montré au moins que ceux qui ont recouru à la violence sont ceux-là mêmes qui ont aidé Ould Taya, il y a 20 ans, à accéder au pouvoir par un putsch.