6 août 1945, 8h15 : le bombardier B29 américain Enola Gay largue à près de 9000 m la première bombe atomique de l'histoire sur la ville d'Hiroshima, au sud du Japon. Environ 140 000 personnes, soit près de la moitié de la population de la ville en 1945, sont mortes. La première bombe A explosa au-dessus de la ville, la brûlant de sa puissance équivalente à 12 500 t de TNT. Au cœur de l'explosion, la chaleur atteignait 3000 degrés, soit le double de ce qu'il faut pour faire fondre le fer. Le centre de la ville fut soufflé, rasé, rayé de la carte dans un enfer de flammes. Les survivants, les irradiés (hibakushas), connurent pour nombre d'entre eux une mort horrible, brûlés, empoisonnés. Beaucoup d'autres qui semblaient épargnés succombèrent des années plus tard, victimes de cancers et d'autres affections. Au retour, les pilotes du B29 verront pendant 500 km le champignon qui, en deux minutes, a atteint 10 000 m d'altitude. L'Enola Gay atterrit six heures plus tard à Tinian. Son équipage est aussitôt décoré. Trois jours plus tard, la ville de Nagasaki est frappée à son tour. 74 000 personnes ont péri dans le second bombardement atomique. L'onde de dévastation reste la plus ravageuse de toute l'histoire de l'humanité. Associated Press reproduit des extraits des lettres du lieutenant de marine américaine, Thomas Paine, à ses parents, après les bombardements atomiques. Le 7 octobre 1945, au large de Sasebo, au sud de Nagasaki, le lieutenant écrit : « Etant donné que tous les registres et responsables municipaux ont disparu, 80 000 (morts) n'est que l'estimation des autres gens. Le total exact ne sera peut-être jamais connu. Ils continuent de mourir, de brûlures ou d'autres manifestations bien qu'il n'y ait plus de radiations. On m'a dit que la bombe de Nagasaki était obsolète désormais et qu'une troisième bombe, plus puissante, avait été fabriquée. Les Japonais ont été mis hors d'état de combattre dans cette zone mais on n'y trouve nullement le ressentiment attendu, seulement l'étonnement de ce que les Américains, qui les avaient déjà battus, puissent avoir fait cela. » « Bien sûr, les Américains avaient consacré beaucoup d'argent à concevoir la bombe atomique, alors ils pensaient qu'ils devaient l'utiliser. Je comprends cela », dit Minoru Hataguchi, directeur du musée de la Paix, mémorial du bombardement, à Hiroshima. Survivant minuscule, il raconte qu'il était encore dans le ventre de sa mère en ce 6 août 1945 qui tua son père et 140 000 autres personnes. « Quand je regarde les victimes, les gens normaux, ce n'était pas nécessaire de lancer la bombe atomique », ajoute-t-il à AP. Selon un récent sondage conjoint Ipsos/Public Opinion Research Center pour les agences Associated Press (AP) et Kyodo, 68% des Américains pensent que l'arme nucléaire était nécessaire pour mettre fin rapidement à la guerre, contre 20% de Japonais. Le débat est relancé aux Etats-Unis sur la décision du président Harry Truman de déclencher l'horreur nucléaire sur les deux villes japonaises. Pour Peter Kuznick, historien à l'American University de Washington, les attaques à l'arme atomique contre Hiroshima et Nagasaki sont tout simplement « des crimes contre l'humanité ». Selon cet expert, l'administration Truman voulait en finir avant que l'Union soviétique ne puisse participer à une invasion du Japon, qui aurait créé un casse-tête géopolitique dans l'Asie d'après-guerre. Lorsque Robert Oppenheimer, le scientifique père de la bombe A, assiste à la première expérience de l'engin de la mort, il se rappelle la citation sanskrit : « Je suis Shiva, le destructeur de mondes. » Suite à la défaite des nazis et aux bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, Oppenheimer considère que ces armes doivent être contrôlées internationalement et s'oppose au développement de la bombe à hydrogène. Mais la guerre froide, l'équilibre de la terreur en ont décidé autrement. Hier vendredi, Greenpeace a fait s'envoler, attachés à de grands ballons en forme de colombes, 10 000 « messages de paix » à Hiroshima. Les ballons transportant ces messages envoyés par des correspondants depuis 155 pays ont été largués devant le musée Mémorial de la paix.