Boudjemâa Ghechir, président de la Ligue algérienne des droit de l'homme (LADH), estime que les mentalités restent le principal obstacle qui continue à empêcher les victimes de harcèlement sexuel de se plaindre. Vous avez été à l'origine des amendements du code pénal relatifs au harcèlement sexuel. Pensez-vous que depuis la promulgation de ce texte, les femmes sont moins harcelées qu'auparavant ? Malheureusement, ce n'est pas le cas. Elles continuent à subir ce fléau du fait des mentalités. Celles-ci restent le principal obstacle qui empêche les victimes de dénoncer les harceleurs. Les femmes évitent toujours de rendre publics les problèmes de harcèlement. Lorsqu'elles ont le courage de déposer plainte au niveau des commissariats, elles sont reçues non pas comme victimes, mais comme provocatrices du crime. Ce qui les dissuade souvent de poursuivre les auteurs. Cela voudrait dire que les textes n'ont rien apporté de nouveau ? Le problème, c'est que le mouvement associatif, notamment les associations de femmes ainsi que les organisations des droits de l'homme n'a pas fait suffisamment pour mener des campagnes de sensibilisation afin de briser cet obstacle et montrer que le harcèlement est un phénomène dangereux qui empêche la moitié de la société de travailler. Il y a eu un numéro vert lancé par la commission femmes de l'UGTA pour recevoir les appels des femmes harcelées, les conseiller et même les aider à engager des actions en justice. Malheureusement, cela reste uniquement des appels sans suite. Les plus courageuses déposent plainte, mais ne poursuivent pas la procédure. Elles préfèrent changer de travail et oublier le calvaire. Pensez-vous qu'il y a une insuffisance dans le texte ? Je dirai que la définition du harcèlement reste incomplète. Un flou persiste encore dans ce domaine. Le texte ne donne pas aux victimes la possibilité d'engager rapidement et avec efficacité une action en justice, surtout lorsque les auteurs du crime sont leurs responsables hiérarchiques. Il y a un vide qu'il faudra penser à combler et aussi des mentalités à corriger. Avez-vous eu à prendre en charge en tant que ligue des affaires de ce genre ? Nous avions accompagné sept cas de ce genre, mais avant que les nouveaux amendements ne soient promulgués. C'est pour cela que nous avions appelé à une refonte du code pénal. A l'époque, le texte plaçait le harcèlement sexuel dans le chapitre des atteintes aux mœurs. Après, aucune autre affaire ne nous est parvenue. Peut-être parce que les femmes ne sont toujours pas mises en confiance au niveau des commissariats, des postes de gendarmerie ou carrément chez le procureur. Il faut agir sérieusement sur l'opinion publique et l'interpeller sur ce fléau qui peut toucher n'importe quelle femme, quel que soit son statut social ou le poste de responsabilité qu'elle occupe.