Avec son regard timide et à voix basse, elle ne cache pas sa fierté devant le résultat de ses efforts et de ses sacrifices pour perpétuer la couture traditionnelle. Sa découverte a eu lieu au niveau de son stand. Une exposition d'une collection de robes traditonnelles aux multiples styles et couleurs des régions du pays a transformé « sa tente » en un véritable musée. Mme Nafissa Kara, mère de quatre enfants, est assise toute seule au milieu de son stand érigé parmi tant d'autres à l'occasion du Salon de l'artisanat traditionnel qui se tient au centre-ville de Tipaza depuis le 3 août et qui durera une dizaine de jours. Avec son regard timide et à voix basse, elle ne cache pas sa fierté devant le résultat de ses efforts et de ses sacrifices pour perpétuer la couture traditionnelle. Elle vit dans cet univers de l'artisanat depuis deux décennies. Cette Blidéenne fait partie de ces coutières algériennes qui travaillent à domicile, et elle se consacre à la formation des jeunes filles dans sa maison. Mme Nafissa Kara a cette chance d'avoir sa mère à ses côtés, elle aussi couturière et âgée de 81 ans, qui l'accompagne et lui propose certaines idées pour préserver cet art algérien. Notre interlocutrice avoue qu'elle ne s'intéresse qu'aux styles algériens et tient à préciser qu'elle vit à l'étroit chez elle à Blida : « J'ai remarqué que beaucoup de femmes et de jeunes filles sont exploitées. Les couturières passent des semaines pour réaliser des vêtements et certains viennent récupérer leur marchandise à des prix insignifiants. J'ai alors pris la décision de ne pas me faire exploiter, et je me suis lancée dans cette aventure toute seule. Ahmdou Allah, grâce à mon travail nous vivons normalement. » Mme Nafissa Kara nous parle de ses produits exposés et des travaux réalisés à la main, pour obtenir le karakou, les écharpes, les robes, le burnous, la broderie sur drap, le kaftan, le madjboud, la djeba et le châle traditionnel. Elle consacre tout un trimestre à la réalisation d'une tenue tlémcennienne, algéroise ou berbère. Des progrès dans les ventes de ses produits sont enregistrés, ces derniers temps, « les familles veulent actuellement s'habiller en traditionnel », nous répond-elle. Elle ne participe pas aux Salons d'exposition et refuse de s'éloigner de ses enfants, « ils sont scolarisés, et je ne peux pas les laisser seuls », précise-t-elle. Elle a sa clientèle qui lui rend visite, chez elle à Blida, et même certains Français s'intéressent à ses produits. Les produits exposés à Tipaza sont de très bonne qualité, les couleurs et la broderie sont superbes. « Je profite de votre présence pour exprimer mon mécontentement concernant le dernier Salon international de l'artisanat à Alger. Les organisateurs étaient beaucoup plus intéressés par les exposants étrangers. Les artisans algériens étaient livrés à eux-mêmes. Nous n'avons rien vendu, d'autant plus que certains exposants étrangers ont ramené des produits industriels pour les écouler à bas prix, alors que nous autres, avons exposé des produits que nous avons fabriqué de nos propres mains depuis des mois. Est-ce de cette manière que les artisans algériens vont être encouragés ? », conclut la couturière blidéenne aux mains d'or, qui vient de découvrir l'artisanat algérien traditionnel au milieu d'un monde extérieur impitoyable.