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Pour que vive la mémoire
Il y a 60 ans, le 8 Mai 1945
Publié dans El Watan le 21 - 08 - 2005

Nous sommes le 8 mai 1945. Il y a 60 ans. La France, le monde entier fête la victoire remportée sur le nazisme, démocratie contre barbarie. Pourtant, ce jour-là, et ceux qui ont suivi, l'Etat français se livrera à Sétif à l'un des pires excès de l'occupation coloniale.
L'ambassadeur de France, Hubert Colin de Verdière, aura le courage en ce 60e anniversaire de reconnaître la responsabilité de l'Etat français dans ce qui fut un massacre. Le défilé de la victoire autorisé par l'administration s'ébranle devant la mosquée aux environs de 9 h. Derrière les drapeaux des puissances alliées, un jeune scout de 22 ans, Bouzid Soual, brandit le drapeau algérien. Des banderoles portent les phrases suivantes : « Vive la victoire des Nations unies, à bas l'impérialisme, indépendance, libérer Messali » et la foule reprend ces paroles. Le préfet Lestrade Carbonnel, qui avait donné l'autorisation de défiler, avait en même temps intimé à ses troupes l'ordres de tirer sur ceux qui arboreraient le drapeau algérien. L'ordre fut aussitôt suivi, et Soual Bouzid fut tué sur le coup. Le cortège se regroupe et les troupes tirent une seconde fois. Le cortège était notamment composé de nombreux paysans venus des campagnes voisines, car c'était un jour de marché, la colère des manifestants fut terrible, s'attaquant aux Européens, notamment à coup de hache. La réaction des Algériens avait été violente, la répression fut atroce et sans pitié. Dès le lendemain, 9 mai, et dans un rayon de 60 à 80 km autour de Sétif, la révolte se répand. La répression fut immédiate et d'une sauvagerie sans précédent ; les blindés et les canons furent utilisés, l'aviation pilonna la zone, le Dugay Drouin, navire basé dans le port de Bougie, bombarda la côte. A ces mesures générales s'ajoutèrent des massacres individuels dans les villages et dans les gorges de Kherrata voisines. Il est impossible aujourd'hui de déterminer le nombre de morts de tous âges et de tous sexes. Après le massacre, il fut procédé à des arrestations massives de 5000 à 10 000, selon les estimations parmi lesquelles plusieurs dirigeants du PPA qui s'illustreront dans la lutte nationale de l'Algérie pour l'indépendance comme Larbi Ben M'hidi qui dirigera l'insurrection algéroise du FLN et sera assassiné par ordre du général Aussarrès. Ferhat Abbas, dont l'université de Sétif porte le nom, est arrêté dans le bureau du gouverneur général, Chataignot. La révolte est écrasée et les témoins de l'époque évaluent le nombre de morts à 7500 dans l'entourage du général Duval, à 15 000 selon le général Tubert qui dirigeait une commission d'enquête dans le Constantinois, et enfin de 40 à 45 000 selon le consul américain d'Alger. Quoi qu'il en soit, ce fut un véritable massacre. A telle enseigne que l'opinion française, que l'on avait trompée en présentant la révolte nationaliste comme un complot d'anciens nazis inspiré de l'étranger, fut finalement à l'origine d'une loi d'amnistie votée en mars 1946. Les choses étaient revenues dans l'ordre au sens de la puissance coloniale, ils ne restaient plus que des maquis isolés, dont les chefs ne bénéficièrent pas de l'amnistie tel Mohamed Zerouali, qui fut traduit devant la cour d'assises et défendu par trois avocats français, Jacques Mercier, gauliste de gauche, Henri Douzon, aujourd'hui décédés, et Pierre Braun. Le calme n'était revenu qu'en apparence et le général Duval, qui avait dirigé la répression en tant que commandant de la division de Constantine, a déclaré : « Je vous ai donné la paix pour dix ans, mais il ne faut pas se leurrer, tout doit changer en Algérie. » Il est scandaleux que l'odieux massacre de Sétif, organisé par les représentants de l'Etat français, n'ait jamais donné lieu à une poursuite pour crime contre l'humanité. L'ampleur du phénomène, le nombre de victimes, le fait que celle-ci appartenaient toutes à un même groupe ethnique et religieux en lutte contre l'autorité politique, permettaient de faire application de la qualification de crime contre l'humanité. Rappelons que ces crimes sont imprescriptibles et peuvent donc être invoqués sans limitation dans le temps. Mais une telle poursuite n'aurait aucune chance d'aboutir en France. En effet, la Cour de cassation se relie pour la qualification de crimes contre l'humanité à la jurisprudence du tribunal international de Nurenberg qui fait application de ce type d'infractions aux nazis et à leurs complices ayant sévi pendant la Seconde Guerre mondiale. Le texte du code pénal français ne sera amendé sur ce point qu'en 1994 ; il ne peut donc s'appliquer rétroactivement. De même, la Cour européenne des droits de l'homme est incompétente pour toutes les infractions commises avant l'adhésion de la France à la Convention qui ne date que de l'année 1974. Il n'y a donc pas d'issue judiciaire permettant d'obtenir une condamnation, ce qui rend d'autant plus indispensable des initiatives tel que l'actuel séminaire. Le 8 Mai 1945 marque un tournant tant dans l'évolution de la lutte des Algériens pour leur indépendance que dans la répression exercée par l'Etat français. Il serait illusoire de considérer comme progressiste la réforme qui fut appliquée par la France aux trois nouveaux départements d'Algérie avec l'instauration de deux collèges, le premier collège réservé aux Européens, le second réservé aux Algériens, le premier représentant 800 000 personnes et le second 8 000 000 de personnes, chacun d'entre eux ayant les mêmes pouvoirs. Compte tenu d'un certain nombre d'alliés stipendiés du deuxième collège, les Européens étaient toujours assurés d'avoir la majorité et il en fut de même au Parlement algérien. En outre, pour parachever ce résultat acquis d'avance, les pressions et l'usage massif de la fraude électorale enlevaient toute autorité aux Algériens. Ceux-ci ne furent pas dupes et la rébellion ne cessa de s'étendre. Nous négligerons volontairement l'étude des dissensions qui divisèrent le mouvement et finirent après des luttes intenses à la création de l'Organisation secrète (OS) créée en 1947 et finalement à la direction collective du FLN qui comptait six personnes sur le sol algérien et trois réfugiés en Egypte. Le général Duval qui prévoyait une reprise de la lutte dans un délai de 10 ans était un prophète clairvoyant. Entre le 8 Mai 1945 et le 1re novembre 1957, 9 ans et demi s'écoulèrent. Dans la nuit du 31 octobre au 1er Novembre 1954, la révolution algérienne marqua ses premiers pas. Dans cinq zones différentes, la Zone 1, Aurès, la Zone 2, Nord constantinois, la Zone 3, Kabylie, la Zone 4, Alger et la Zone 5, Oranie, la lutte armée se déclenchait ainsi dans tout le pays, mais elle n'aurait pu se développer avec un tel succès si elle n'avait pas répondu aux aspirations profondes du peuple algérien. Elle n'aurait pu se développer comme elle l'a été avec les créations de maquis à travers tout le pays et de développement de guérilla urbaine. Elle n'aurait pu par ailleurs s'appuyer sur le soutien économique de l'ensemble des Algériens vivant et travaillant en France. Les diverses tendances de la rébellion se retrouvèrent unies au sein du FLN et luttèrent jusqu'à la victoire. Parallèlement, à cet essor, la répression se développa concurremment, suivant en cela l'exemple du massacre du 8 Mai 1945. En mars 1956, le gouvernement se dota de pouvoirs spéciaux qui lui avaient été accordés par le Parlement. A partir de là, se fut la guerre totale, même s'il a fallu attendre une prise de position relativement récente du président Chirac pour que l'on accepte qu'il s'agissait non pas d'événement, mais de la guerre d'Algérie. Le contingent fut expédié en terre algérienne. On ne compte plus les douars incendiés, les grottes enfumées, les prisonniers massacrés. Les tribunaux judiciaires, dont on ne pouvait cependant redouter aucune indulgence, furent remplacés par des tribunaux militaires qui faisaient la guerre dans le prétoire comme ils le faisaient dans les djebels, il ne fallait attendre d'eux aucune indulgence, et le quartier des condamnés à mort comptait de multiples pensionnaires. Les disparitions, les internements dans des camps de résidence administrative furent légion sans qu'il ait besoin d'aucune justification. Enfin, l'usage de la torture devint systématique. Le spectacle des rues d'Alger en 1957 était édifiant : la méthode du ratissage était employée par la troupe suivie de la torture sans distinguer entre les interpellés et ce dans l'espoir de recueillir des renseignements. A l'intérieur des prisons, les détenus nous décrivaient des scènes identiques : coups, supplice de l'eau, torture à l'électricité. Il s'est trouvé des hommes de cœur et d'intelligence, tel François Mauriac, qui dénonça ces méthodes, ou Vercor, écrivain et héros de la résistance, qui renvoya sa légion d'honneur au chef de l'Etat pour protester contre l'ignominie. Puis, une fois la victoire acquise, on eut dit que de part et d'autre que tout était retombé dans le silence. Mais il n'est pas facile de faire taire la mémoire, et celle-ci finit toujours par se réveiller. C'est ainsi qu'en 2002, à l'initiative de 12 intellectuels, le gouvernement et le chef de l'Etat furent saisis d'une exigence : que le gouvernement et le chef de l'Etat reconnaissent la responsabilité de la France dans l'usage systématique de la torture pendant la guerre d'Algérie. Les autorités n'accédèrent pas à cette demande, mais l'opinion se réveilla. Etait-ce un retour du refoulé ou une inspiration à la vérité historique ? Mais il y a eu une réelle mobilisation autour de ce problème. La sorte d'aveuglement, que l'on a pu constaté en France comme en Algérie, doit être brisée, car elle est contraire à l'intérêt des deux peuples. Au moment où les relations sont de plus en plus étroites entre l'Algérie et la France, où il est temps qu'un traité d'amitié mutuel se mette en place. Le passé ne doit pas être oublié, mais transcendé pour que vive la mémoire.
Communication du séminaire organisé par la Fondation du 8 Mai 1945


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