Un modeste 50% ou un flamboyant 85% ? Si les experts s'accordent à dire que Hosni Moubarak franchira le premier la ligne d'arrivée, les paris restent ouverts sur son score. Jusqu'à présent, les Egyptiens se prononçaient par référendum sur le nom d'un candidat désigné par le Parlement que domine depuis un quart de siècle le Parti national démocrate (PND) de M. Moubarak. Provoquant la surprise, Hosni Moubarak a ouvert, par un amendement constitutionnel, la compétition aux chefs de partis, avec un scrutin au suffrage universel auquel peuvent participer 32 millions d'électeurs. Lors du dernier référendum, en septembre 1999, il avait été reconduit au pouvoir avec 93,79% des voix. Même si le régime était tenté de manipuler le score, celui-ci, selon les observateurs, devrait être compatible avec une image plus démocratique aux yeux des pays occidentaux, il est vrai peu regardants. Houssam Badraoui, dirigeant du PND et coordinateur de la campagne de M. Moubarak, semble le penser : « Je pense que le président Moubarak aura la majorité (des voix) mais ce ne sera pas la majorité habituelle des référendums, car ce qui se passe est nouveau. » Pour Jihad Oda, membre du PND et président de la faculté des sciences politiques à l'université de Halwane, au Caire, le président aura cependant un score élevé, autour de 80%. Paradoxalement, Georges Ishak, porte-parole du mouvement d'opposition Kefaya (ça suffit) qui boycotte le scrutin, donne aussi à M. Moubarak 85%, mais uniquement car « cette élection sera truquée ». « Il s'agit d'un référendum masqué sous une apparence de démocratie. » Les avis sont partagés sur la deuxième place du podium, certains (notamment les partisans de M. Moubarak) l'accordent au chef du néo-Wafd Noumane Gomaâ, alors que d'autres l'attribuent au chef du parti Al Ghad, Ayman Nour. Quoi qu'il en soit, les deux viennent loin derrière M. Moubarak. Pour M. Ishak, M. Nour récoltera 10% des voix et M. Gomaâ 5%. M. Oda avance les mêmes chiffres, mais intervertit (Gomaâ 10% et Nour 5%). Nabil Abdel Fattah, du centre Al Ahram pour les études stratégiques, pense que M. Gomaâ aura (15%) et M. Nour (5%) et les deux suivront M. Moubarak (75%). Mais le chef du néo-Wafd, un personnage terne de 70 ans, pourrait ne coiffer M. Nour, 40 ans, que grâce à un bourrage des urnes, estime-t-il. En effet, M. Nour, 40 ans, le plus jeune des candidats, apparait comme le rival le plus pugnace de M. Moubarak. « A mon avis, Nour pourrait obtenir 30% des voix. Il est le seul qui menace véritablement le parti au pouvoir », assure Mahmoud Makki, membre éminent du club des juges qui supervisera le scrutin. Il donne à M. Moubarak 50% à 60%. Pour Hicham Kassem, numéro deux d'Al Ghad, il est inconcevable que le régime laisse l'étoile de M. Nour éclipser celle de M. Moubarak, qui domine le ciel de l'Egypte depuis 24 ans. Quant à la participation, certains comme M. Abdel Fattah estiment qu'elle sera faible, car le résultat est connu d'avance, alors que d'autres comme M. Kassem affirment que le PND mobilisera ses partisans pour la faire exploser. Jihad Oda met en effet le taux de participation à quelque 70%, mais M. Badraoui se montre plus réaliste, dans un pays où traditionnellement l'électeur boude les urnes : « Si 30% ou 40% votent, nous aurons réalisé un exploit politique et démocratique », dit-il. « Les autorités avaient annoncé plus de 53% de taux de participation au référendum (constitutionnel en mai), alors qu'en réalité elle était de 5% », dit M. Makki, qui avait participé à la supervision du référendum. Il se demande si les chiffres seront manipulés cette fois-ci aussi. « Peu d'électeurs vont à mon avis tenter l'aventure alors qu'ils n'ont même pas la garantie que leur bulletin de vote sera protégé de la fraude. Même avec la mobilisation générale des services de l'Etat, le taux de participation tournera autour de 15% », conclut-il.