Le projet du Président Bouteflika ne ramènera pas la paix au pays. Le président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH), Me Ali Yahia Abdenour, en est convaincu. « Le 30 septembre, il y aura des morts, en 2006 aussi. La violence ne s'arrêtera pas. Le problème ne sera jamais résolu de cette manière », a-t-il indiqué, hier, lors d'une conférence de presse au siège national de la LADDH, à Alger. Pour lui, l'amnistie ne peut être que la suite logique de la paix et non l'inverse. « Le président de la République veut se servir de l'amnistie pour ramener la paix », a-t-il expliqué estimant que le projet présidentiel « échouera ». Autre précision du président de LADDH : « Les droits de l'homme et la paix sont deux éléments indissociables. » Il trouve qu'il est impossible d'arriver à la paix dans un pays fermé à toute expression libre, dans un pays sous état d'urgence, où l'opposition et tous les gens qui peuvent apporter la contradiction n'ont aucune possibilité de s'exprimer. « Les médias publics sont fermés à l'opposition et on assiste à un matraquage médiatique », a soutenu Me Hocine Zahouane, vice-président de la LADDH. Me Ali Yahia renchérit : « Nous n'avons pas le droit de regarder la télé parce que nous sommes des meneurs. » Pour lui, la charte propose uniquement une « solution sécuritaire » à une crise politique. Car elle demande à ceux, encore au maquis, de déposer les armes au nom de l'amnistie. Me Ali Yahia a rappelé que depuis le début de la crise, quatre solutions sécuritaires ont été proposées : la loi sur rahma, la concorde civile, la grâce amnistiante et la réconciliation nationale. Ces processus ont échoué ou ont été voués à l'échec, a-t-il estimé. Il évoque la concorde civile qui aurait permis la reddition de 6000 terroristes. Celle-ci n'a pas ramené la paix, a-t-il soutenu. Car, depuis 2000, date de la forclusion de ladite loi, « il y a eu près de 7400 morts ». Décompte basé sur des bilans donnés par la presse. Me Ali Yahia a souligné, aussi, que la seule solution à la crise, susceptible de ramener la paix, est d'ouvrir un débat national libre sur les idées, en dépit des personnes. « Pour arriver à la paix, il faudra une ambition collective et non pas individuelle. Ainsi, nous estimons qu'il faudra tenir une conférence nationale pour la paix, où tout le monde devra participer », a-t-il suggéré. La réconciliation nationale, pour lui, est un processus qui nécessite beaucoup de temps et un travail de longue haleine. « Pour y arriver, il faudra d'abord créer un environnement adéquat. L'Algérien est considéré comme un sujet et non pas un citoyen à part entière et la fraude électorale s'est enracinée dans la culture du système algérien », a-t-il observé, avant de s'interroger : « Comment peut-on ramener la paix si le maquis continue à recruter. » Selon lui, la question qu'il faudra se poser aujourd'hui est celle de savoir combien y a-t-il de personnes dans les maquis, quel est l'âge de ces personnes et pourquoi sont-elles montées au maquis. Me Zahouane dira : « La société algérienne est rongée par la violence, l'exclusion et l'arbitraire. » Me Ali Yahia a estimé : « Les Algériens se détestent. La société s'est déchiquetée. » Ainsi, il est convaincu que la réconciliation ne sera pas pour demain. Encore, il considère qu'au nom des droits de l'homme, l'Etat ne doit pas se taire sur les assassinats individuels et la torture, d'autant plus que l'Algérie a ratifié, entre autres, la Convention internationale contre la torture. « Dans les droits de l'homme, celui qui a commis un crime doit payer. Ni la loi nationale ni celle internationale n'autorisent la torture et l'assassinat », a-t-il précisé. Me Ali Yahia ne doute pas que le but recherché par Abdelaziz Bouteflika est de renforcer son pouvoir à travers un plébiscite qui « ne réglera rien du tout ». Pourtant, ajoutera-t-il, « il dispose déjà d'un pouvoir qu'un roi peut lui envier ». Me Ali Yahia a annoncé la date du congrès de la LADDH qui se tiendra les 22 et 23 septembre dans la wilaya de Boumerdès, à l'hôtel Soummam. Selon lui, le wali ne leur a pas encore délivré l'autorisation, mais il espère l'obtenir durant la semaine en cours. Le congrès sera placé sous le slogan « Humanité, dignité et libertés ». Selon Me Ali Yahia, toutes les ONG internationales de défense des droits de l'homme ont été invitées, mais jusque-là la LADDH n'a eu aucune confirmation. « On ne leur a pas donné de visa », a-t-il indiqué.