Le sommet mondial de l'ONU, tenu à l'initiative de son secrétaire général, a pris fin vendredi par la confirmation de toutes les appréhensions, voire le profond pessimisme de départ. Tout a été dit sur les raisons qui poussent à l'échec du plan de réforme, et ce n'est pas le texte adopté in extremis qui prouvera le contraire. Plus clairement, l'ONU, en dépit de certaines déclarations de ses membres, demeure ce qu'elle est, le produit d'un rapport de force et un instrument verrouillé par ses fondateurs, car en fin de compte, la seule réforme valable est celle qui porte sur l'élargissement du Conseil de sécurité, l'unique instance exécutoire de l'organisation mondiale. Et en ce sens, tout a été fait pour que rien ne soit fait. Ce qui n'a pas surpris les dizaines de chefs d'Etat qui ont effectué le déplacement à l'ONU en toute connaissance de cause. Car l'ONU reste ce qu'elle est, le plus grand cadre de rencontres et de consultations. Ce sommet, qui intervient par ailleurs à l'occasion du 60e anniversaire de l'Onu, s'est terminé par l'adoption d'un document final moins ambitieux qu'espéré sur la modernisation de l'Organisation et l'effort mondial en faveur du développement. Cette adoption s'est faite par acclamations à l'issue de ce sommet de trois jours, le plus grand de l'histoire, auquel ont participé quelque 170 délégués, dont 150 chefs d'Etat ou de gouvernement. Seuls Cuba, le Belarus et surtout le Venezuela ont fait entendre des voix dissonantes. Le ministre vénézuélien des Affaires étrangères, Ali Rodriguez, a exprimé son désaccord avec la procédure et le contenu du texte. Il s'est plaint notamment du fait que le document ait été négocié pendant trois semaines avant le sommet au sein d'un comité restreint d'une trentaine de pays, procédé qu'il a estimé « anti-démocratique ». « Cela a été le sommet de l'égoïsme, de l'arrogance et du mensonge », a renchéri Felipe Perez Roque, son homologue cubain. Ces trois pays avaient accusé pendant le sommet les Etats-Unis d'imposer leur volonté à l'Organisation mondiale. Le document final de 35 pages est beaucoup moins ambitieux que le projet initial de M. Annan, mais plusieurs pays ont estimé que c'était le meilleur compromis possible entre 191 Etats membres. M. Annan s'en est dit satisfait, tout en reconnaissant qu'il espérait mieux. « Je pense que c'est un succès, c'est un bon document, il peut nous servir de base pour poursuivre nos efforts », a-t-il déclaré. « Nous aurions tous aimé obtenir davantage, mais c'est un pas en avant important ». Beaucoup d'orateurs ont particulièrement dénoncé l'échec des Etats membres à s'entendre sur une des grandes questions du moment, le désarmement et la non-prolifération, qui n'apparaît même pas dans le texte. L'un des aspects les plus positifs du document est l'affirmation de la volonté des Etats d'agir, à travers le Conseil de sécurité, y compris par la force en cas d'échec des moyens diplomatiques, si un Etat est « manifestement incapable » de protéger ses populations menacées de génocide, crimes de guerre ou contre l'humanité et nettoyages ethniques. « Excellences, vous serez tenus d'agir si un autre Rwanda menace », a lancé M. Annan aux dirigeants. Le document prévoit par ailleurs la création d'un Conseil des droits de l'homme pour remplacer l'actuelle Commission, discréditée, mais renvoie à plus tard la mise au point des détails le concernant. Il décide de créer avant le 31 décembre une Commission de consolidation de la paix pour éviter que des pays sortant d'un conflit retombent dans la violence. Le terrorisme, « successeur idéologique du nazisme », selon le président russe, Vladimir Poutine, est condamné « sous toutes ses formes et manifestations ». Mais le texte ne comporte pas de définition universelle du terrorisme, tout en appelant à la conclusion d'ici à septembre 2006 d'une Convention globale sur le sujet. De nombreux dirigeants, dont ceux des trois pays émergeants les plus en pointe dans la lutte contre la pauvreté - l'Inde, l'Afrique du Sud et le Brésil - ont dénoncé le peu de progrès réalisé vers les objectifs du millénaire fixés en 2000 pour réduire de moitié l'extrême pauvreté dans le monde d'ici à 2015. Enfin, le document n'évoque qu'en termes généraux la nécessité d'améliorer les pratiques dans l'administration de l'Onu, dont la crédibilité a été affectée par le scandale du programme « pétrole contre nourriture ». Ce qui a conduit le président Bush à souhaiter une « Onu libre de toute corruption ». Et l'élargissement du Conseil de sécurité est remis à plus tard. Ce texte reste étonnamment muet en ce qui concerne les responsabilités actuelles de l'ONU comme en ce qui concerne le règlement de certains conflits comme ceux du Proche-Orient, et du Sahara-Occidental.