Dans un « appel de détresse pour l'Algérie », Mohamed Mechati, membre historique du groupe des 22 appelle les hommes de courage intellectuels à se prononcer sur l'état de la nation, d'une manière générale, et sur l'amalgame « politique-religion », en particulier. Vous savez bien Monsieur Mechati qu'il est dit que le premier devoir d'un intellectuel, c'est de se taire, lorsque son avis n'est pas nécessaire ou d'écouter a fortiori, lorsque la conjoncture ne laisse aucune place au débat contradictoire, mais puisque c'est vous qui le demandez et pour ce que vous représentez comme symbole d'un passé glorieux que vous avez écrit avec tant d'autres et dont on ne renie aucune page, même si la tendance « in » d'aujourd'hui nous recommande de « tourner la page sans la déchirer » (Abdelaziz Belkhadem), il me semble qu'il serait plus utile et plus instructif de lire cette page avant de la tourner, afin de méditer et de retenir les leçons de ce passé pour mieux s'armer et préparer l'avenir. Soumission de la loi pour les terroristes Permettez-moi d'apporter cette contribution qui peut être en rapport avec ce que vous dites de l'Algérie d'aujourd'hui en m'intéressant davantage à celle de demain au risque de déplaire aux gardiens de l'ordre établi. L'Algérie d'aujourd'hui pour laquelle vous nous demandez de nous impliquer, c'est celle du référendum, c'est celle de la soumission de la loi pour les terroristes, elle ne m'intéresse pas, elle ne me passionne pas non plus. Je vous dirai pourquoi dans une autre contribution. Loi de la soumission pour les écoles privées Celle que je veux évoquer ici et qui me motive, c'est celle qui a imposé la loi de la soumission pour les écoles privées, celle qui au lieu de donner plus de liberté à l'école publique veut nationaliser les écoles privées. C'est vrai, comme vous le dites, que le plupart des compagnons du Prophète (QSSSL) ont été assassinés dans des mosquées pour divergences politiques, mais c'est aussi vrai qu'aujourd'hui et devant cette frénésie de médiocratie et de course au pouvoir, on ne peut s'empêcher de penser à ce qu'a dit H. G. Wells : « Les prochaines révolutions ne se feront plus contre les riches, mais contre les capables ». Boucebci, Belkhenchir, Sanhadri, Boukhobza et tant d'autres en sont la parfaite illustration. Le véritable combat d'aujourd'hui ne se trouve ni dans le référendum dont l'issue est connue ni dans un débat académique sur la place de l'Islam dans la politique, mais bien dans l'école qui conditionne l'Algérie de demain. Loin de moi de verser dans le pessimisme, mais je trouve qu'il n'y a rien à attendre de l'Algérie d'aujoud'hui qui marginalise ses élites, où le pouvoir est plus sensible à l'influence de ceux qui ont d'autres pouvoirs qu'à ceux qui en sont démunis ; une Algérie qui ne survit que par la générosité de son sous-sol et les « bienfaits collatéraux » du malheur des autres qui font grimper le cours du baril de pétrole. C'est à cela que se résume notre santé économique et financière dont le pouvoir sans honte s'en félicite ! Je le dis sans détour, les gouvernements qui se sont succédé à eux-mêmes depuis l'avènement de la médiocratie ont été et sont incapables d'apporter et de proposer des solutions concrètes aux problèmes tragiques que subit notre société tels que le chômage, le logement, la pauvreté, l'école... Un personnel politique aux ordres Que peut-on attendre d'un personnel politique - élus compris - aux ordres, exerçant le pouvoir à des fins de jouissance personnelle, occultant la réalité pour cacher leur incompétence. A des revendications aussi simples que le droit au travail, au logement, à la sécurité, à un salaire décent, au bien-être que nous répond-on ? Restructuration, privatisation, équilibre macro-économique, dette extérieure, dette publique, FMI, OMC, accord d'association, et que sais-je l'année de l'Algérie en France, traité d'amitié, référendum... Aux problèmes réels, on nous propose de fausses solutions, de faux espoirs, utopie. Aux droits que le citoyen demande on lui oppose des devoirs ; soit, notre premier devoir n'est-il pas d'honorer la mémoire de ceux qui se sont sacrifiés pour ce peuple et cette patrie ? En acceptant d'être gouverné par des médiocres, on a failli à notre premier devoir. En acceptant la colonisation du Club des Pins par ces mêmes médiocres, on a également failli à notre devoir et la liste pourrait être longue, très longue. Et puis vaut-il la peine de crier son droit à la face de ceux qui l'ont perverti et lui ont fait quitté le monde de la justice pour le monde des ténèbres. (Cabinet noir évoqué par le défunt M'hamed Yazid) Au risque de m'égarer un peu plus dans un domaine que je veux éviter à l'école, à savoir le politique, revenons à l'école et plus particulièrement à la réforme que le gouvernement et Benbouzid veulent instaurer et imposer. Réforme napoléonienne Il est des vérités qu'il n'est plus de bon temps hélas de dire de nos jours, la vérité ne plaît pas toujours mais la taire, c'est se rendre complice des graves dérives qui pèsent sur l'avenir de toute une génération après le sacrifice de la précédente. La réforme de Benbouzid par son aspect autoritaire et inégalitaire nous ramène à la conception napoléonienne de l'enseignement où les enfants de la noblesse sont remplacés par les enfants du pouvoir pour accéder aux lycées d'excellence et les filières de leur choix en faisant adopter sournoisement le concept tant cher à la nomenklatura l'idée de l'héritabilité des privilèges aux dépens de l'égalité des chances et du mérite. Il est maladroit, voire dangereux qu'une réforme d'une telle ampleur puisse se concevoir et s'organiser au sommet sans dialogue ni participation effective de la base. Mais le dialogue pour le ministre, c'est le refus publiquement affirmé avec la caution du président de la République, de soumettre la réforme à un débat public. Cela dénote du mépris évident qu'ont les responsables à l'égard de la société. Un dialogue pour imposer la solution Le semblant de dialogue que le ministre a initié avec les chefs des établissements privés a été non pas pour trouver ensemble des solutions mais pour en imposer sa solution. Alors l'arbitrage qui ne pouvait être exercé que par le chef de l'Etat n'a été ni partial ni juste ; n'ayant ni entendu ni écouté les représentants des écoles privées, le chef de l'Etat a plus prêté l'oreille à ceux-là mêmes qui ont participé au sinistre de l'école algérienne qu'il a pourtant ciblée et dénoncée lorsqu'il était en phase avec la réalité ; mais il est vrai qu'aujourd'hui le président et beaucoup plus près du protocole et des rapports qu'il ne l'est de son peuple et de ses réalités. Le dialogue afin de trouver des solutions aux vrais problèmes qu'impose la conjoncture oblige à une rigueur qui est repoussée par le ministre et ses fonctionnaires préférant le vague afin d'asseoir et préserver leur destin académique. Une feuille de route de 22 points proposée au ministre, sur sa demande, portant sur des questions de gestion, de pédagogie, de rapports avec la tutelle et autres a été tout simplement refusée globalement et dans le détail pour... non-conformité de la forme ! En vérité le débat de fond donne le vertige et met mal à l'aise ceux qui sont en charge d'apporter une réponse juste et sérieuse aux multiples question que soulève l'école. C'est pour cela que nous ne pouvons pas vous faire confiance et mettre le destin de nos enfants entre vos mains et que nous avons opté pour l'école privée. La loi imposée aux écoles privées en matière de programme et de langue d'enseignement des matières scientifiques ne tient nullement compte des réalités ainsi que de l'aspect essentiel qui est celui des enfants qui sont déjà dans le « pipe », excusez de ce terme qui reste celui des fonctionnaires de l'éducation pour désigner les enfants qui sont dans le cursus (comme quoi la culture de la rente pétrolière fait partie du patrimoine culturel et linguistique de nos fonctionnaires de l'éducation). Certes, les droits et devoirs premiers et inaliénables d'éduquer reviennent aux parents, ceux-ci doivent donc jouir d'une liberté véritable dans le choix de l'école, mais cette liberté n'implique nullement la remise en cause de l'école publique. L'école privée doit permettre aux chefs d'établissement d'adopter des méthodes pédagogiques reconnues qui ne sont pas possibles dans les établissements publics bureaucratisés. La mobilisation doit s'opérer Usant de cette liberté, ils devraient être néanmoins sous contrôle de l'Etat, car il ne s'agit nullement pour les écoles privées de se séparer de l'Etat mais de faire que l'école sous le contrôle de l'Etat puisse permettre aux enseignants de disposer d'une véritable liberté au plan pédagogique. Les jeux sont loin d'être faits, je suis persuadé que les choses peuvent évoluer si la mobilisation s'opère. J'espère bien qu'il y aura une prise de conscience au plus haut niveau de l'Etat de cette situation dramatique” que créerait une obstination du gouvernement et du département de Benbouzid. Le mot de la fin, je l'adresse à vous Monsieur le ministre. Monsieur Benbouzid, vous êtes le seul ministre de la République qui ne peut bénéficier des circonstances atténuantes, car vous êtes le prédécesseur et le successeur de vous-même dans le domaine de l'éducation. Vous êtes en partie responsable des maux de l'éducation d'hier. Vous êtes responsable des maux de l'éducation d'aujourd'hui. Accepterez-vous d'être le responsable des maux de l'éducation de demain ?