Le discours du président de la République à Constantine est venu mettre un terme aux espoirs que nourrissent les archs sur la question de l'officialisation de tamazight. Bouteflika désavoue ainsi son chef du gouvernement et le porte-parole de la délégation des archs, mercredi dernier, au sortir de la dernière réunion avec Ouyahia, affirmait que l'option de l'officialisation de tamazight sans référendum est acquise. On se rappelle qu'en 2004, les négociations entre la délégation des archs et le chef du gouvernement avait été suspendues suite au refus de ce dernier d'accepter l'idée d'officialisation de la langue. Le 14 janvier dernier, suite à une invitation solennelle, quelques jours auparavant, le chef du gouvernement recevait la délégation conduite par Abrika pour tenter de poursuivre le dialogue sur de nouvelles bases. La tactique des archs change. Cette fois, ils demandent un accord global sur la mise en œuvre de la plateforme d'El Kseur, ce qu'Ouyahia leur concède facilement le lendemain de la reprise, à savoir le 15 janvier. L'accord signé entre les deux parties n'est rien d'autre qu'un engagement du chef du gouvernement à négocier avec les archs sur les modalités de mise en œuvre de la plateforme d'El Kseur. Depuis le 14 janvier à ce jour, il y a eu, certes, quelques « acquis » concrétisés, mais au bout de neuf mois de discussions, l'essentiel du contenu politique de la plateforme n'a pas été touché. Les deux parties se sont retrouvées à plusieurs reprises sont parvenir à finaliser des négociations. Ouyahia et Abrika ont, à plusieurs reprises, déclaré que la question de tamazight était réglée. « Il ne reste que les modalités pratiques de son officialisation », disait Abrika et ses camarades de la délégation. A chacune de leur sortie, Abrika et Ouyahia se disaient satisfaits de l'évolution des négociations. La position tranchée de Bouteflika sur la question de tamazight met les deux hommes au pied du mur. Pour le Président, tamazight ne sera jamais officielle. Et cette fois, il n'évoque même pas l'idée du référendum. Lorsque le chef du gouvernement s'engage avec les archs sur une question aussi sensible, a-t-il consulté le Président ? A-t-il agi de son propre chef ? Ou s'agissait-il d'une ruse d'Ahmed Ouyahia ? De par ses promesses et ses engagements, le chef du gouvernement s'est permis une sortie victorieuse le mois d'avril dernier à Beni Douala. Moins d'une semaine après la reprise des discussions, le 13 septembre dernier, Bouteflika était à Tizi Ouzou. On avait fait croire à l'opinion publique locale que le Président allait annoncer des décisions importantes. Il n'en fut rien. C'est à Constantine, quatre jours plus tard, qu'il met les points sur les i, en annonçant qu'il n'y aura qu'une seule langue officielle en Algérie. Y a-t-il deux Etats dans ce pays ? L'officiel, celui du Président, et l'officieux, celui d'Ahmed Ouyahia, sinon comment expliquer que l'un remette en cause les engagements de l'autre. Depuis neuf mois, Ouyahia négocie avec les archs, s'engage au nom de l'Etat, promet de satisfaire toutes les revendications contenues dans la plateforme, mais durant toute cette période le Président n'a jamais évoqué cette question dans toutes ses sorties. A part la signature du décret de dissolution des Assemblées de Kabylie, Bouteflika est resté à l'écart. Que va faire Ouyahia maintenant que le Président le désavoue publiquement ? Que va-t-il dire aux délégués qu'il doit recevoir dans les prochains jours, s'ils acceptent de revenir au Palais du gouvernement ? La désillusion doit être grande chez les délégués des archs qui ont cru pendant des mois que le Pouvoir, qui a massacré des dizaines de jeunes en 2001, avait changé. Neuf mois de négociations n'ont servi qu'à faciliter la première visite de Bouteflika en Kabylie et amener le mouvement des archs à ne pas perturber le référendum sur la charte. Finalement, les engagements et les promesses d'Ouyahia ne valent rien.