Béjaïa a vécu le jour du référendum de jeudi dernier à deux vitesses. Au moment où la partie ouest était ponctuée de quelques foyers de tension, sur le reste du territoire de la wilaya, le scrutin s'est déroulé dans le calme, dans l'indifférence des uns et la mobilisation plus ou moins faible des autres. Entre les deux, la ville d'El Kseur, qui a enregistré encore une fois le plus faible taux de participation, semble avoir constitué la ligne de démarcation au-delà de laquelle ont été lancées les hostilités. 80 votants seulement ont réussi à glisser leurs bulletins dans les urnes pour permettre un maigre taux de participation de 0,53% dont la faiblesse a finalement conduit l'administration à l'ignorer dans le décompte final. Peu après l'ouverture des bureaux de vote, la ville a enregistré les premiers troubles qui ont amené des groupes de jeunes manifestants à s'en prendre aux urnes qu'ils ont saccagées ou carrément incendiées. La commune a compté 35 bureaux de vote répartis sur 7 centres. Aucune urne n'a échappé à la fureur des manifestants qui ont pris pour cible le siège de la daïra où se sont déclenchées des échauffourées avec les forces de sécurité. Échanges de jets de pierres et bombes de gaz lacrymogènes durant toute la journée de jeudi avant que la tension ne décroît. Dans la matinée, le vote était terminé à El Kseur. Le taux de participation était passé de 0,34 % à 11 h à 0,53 % à 14 h. Selon l'administration, « un centre de vote fonctionnait encore ». A El Flaye, dans la daïra de Sidi Aïch, le taux n'est pas plus gros. A 11h15mn, un groupe de citoyens a investi un bureau de vote non pour voter mais pour en ressortir avec l'urne qu'occupaient deux orphelins bulletins de vote. Moins dommageable, cet habitant de la commune de Seddouk n'a trouvé meilleure manière d'exprimer son rejet du référendum que de s'emparer de la pile des bulletins bleus et de partir avec. A Sidi Ayad (Sidi Aïch), un groupuscule de jeunes a tenté d'exiger le départ d'un gendarme d'un centre de vote avant de se résigner à abandonner leur revendication. Au village de Takriets, la couleur a été annoncée la veille déjà lorsqu'un axe de la RN 26 a été longtemps bloquée à la circulation. Le jour du référendum, on s'en est pris aux bureaux de vote avant de décréter le village fermé à la consultation électorale du jour. Des échos d'une journée perturbée nous sont parvenus d'autres localités, toutes situées à l'ouest de la wilaya. C'est le cas notamment à Amizour, Semaoun, Tifrit, village Colonel Amirouche (ex- Riquet), Akbou-ville, Fenaïa, Boudjelil, Béni Mansour. Selon une source proche de l'administration, pas moins de 74 bureaux de vote, donc urnes, sur les 1056 installés, ont subi des dégâts suite à des troubles enregistrés avant 14 h, le jeudi 29 septembre. Officiellement, la wilaya a enregistré 11,55% de participation, soit un peu plus de 48 000 votants, dont un peu moins de 40 000 voix pour le oui et plus de 6 000 votants pour le non. En revanche, plus de 370 000 inscrits sur les listes électorales ont boycotté le scrutin. Une forte abstention de plus de88 % , dont la majorité a répondu à l'appel au boycott émanant des principaux acteurs politiques de la région, notamment du FFS et du RCD. Cela au moment où le mot d'ordre de grève générale lancé par les archs n'a pas eu l'écho escompté, les commerces ayant ouvert. Dans ce climat de démobilisation, Amizour, Tinebdar, Semaoune, Tifra, Fenaïa Ilmaten, Souk Oufella, Tibane, Akfadou et El Flaye n'ont pas dépassé la barre des 5 % de votants. A l'autre bout de la wilaya, sur la côte est, Darguina, Taskariout, Kherrata et Draâ El Gaïd ont constitué les pics de la mobilisation dans la wilaya (plus de 30%). Pratiquement, le même quatuor qui a mené la liste des communes qui ont le plus voté pour le candidat Abdelaziz Bouteflika lors de la présidentielle du 8 avril 2004. Un scrutin auquel ont participé, pour rappel, 16,64 % d'inscrits.