Le ministre de la Santé, Amar Tou, a annoncé, lundi au cours d'une conférence de presse, que l'Algérie est parée pour faire face à la menace de la grippe aviaire qui sévit en Asie et qui commence à gagner d'autres continents et d'autres pays européens, à l'instar notamment de la Roumanie et la Turquie qui viennent d'être affectées par cette pandémie. La faiblesse des stocks de vaccins antiviraux disponibles en Algérie, lesquels ne peuvent couvrir que les besoins de la population la plus vulnérable dont l'âge est fixé à 65 ans et plus, donne toute la mesure de la précarité de notre système de santé à réagir avec l'efficacité requise pour prévenir, traiter et endiguer cette pandémie si elle venait à se déclarer dans notre pays. Toutes les autres catégories sociales, notamment les éleveurs de volailles qui sont les premiers à être en contact avec le produit devenu à haut risque, sont sommées par le ministère de la Santé de patienter quelques années encore pour être servis conformément au programme national d'approvisionnement en antiviraux. Le vaccin, nous dit-on, est coûteux et n'est pas disponible en quantité sur le marché extérieur. La santé publique a-t-elle un prix ? Dans n'importe quelle officine parisienne l'accès au vaccin contre la grippe humaine est libre et à la portée des bourses moyennes. Les populations âgées le reçoivent gratuitement. Au plan donc thérapeutique, le message qu'il faudra retenir de la sortie médiatique du ministre de la Santé est qu'il ne faudra pas attendre des miracles pour assurer le vaccin à toutes les catégories de la population susceptibles d'être contaminées par le virus de la grippe aviaire s'il venait à pénétrer dans notre pays. Le plan national de lutte contre la pandémie de la grippe aviaire, dont M. Tou a dévoilé les grands axes théoriques au cours de la conférence de presse, s'articule essentiellement autour d'un train de mesures d'ordre réglementaire, comme la fermeture de nos frontières à toute importation de volailles, une disposition qui date déjà de trois ans, et organisationnel à travers des dispositifs de surveillance des foyers de grippe et des vecteurs potentiels de la grippe aviaire, entre autres les oiseaux sauvages et migrateurs. En théorie, le plan qui s'inspire des recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) apparaît rassurant, mais dans la réalité, on connaît toutes les difficultés liées à la mise en œuvre de tout programme d'action dans n'importe quel secteur d'activité pour des raisons multiples, que sont le manque de coordination entre les sphères de décision et d'exécution, le laisser-aller, l'irresponsabilité et bien d'autres maux encore si caractéristiques de notre mode de gestion. Le ministère de la Santé contrôle-t-il toute la volaille qui atterrit dans les circuits de distribution ? Rien n'est moins sûr. Point n'est besoin de sortir de la capitale pour découvrir au vu et au su des autorités locales des couvoirs quasi-clandestins qui échappent à tout contrôle sanitaire et bien évidemment au fisc. La marchandise est cédée le plus normalement du monde aux marchands de volailles sans avoir reçu la visite d'un vétérinaire. Poussés par l'appât du gain, certains éleveurs n'hésitent pas à faire passer dans le lot des produits impropres à la consommation que le consommateur ne pourra jamais constater de visu sur l'étalage. Les images de camionnettes chargées à n'en plus pouvoir de caisses de poulets assommés par les conditions de transport prenant certainement le chemin des abattoirs clandestins sillonnant nos routes, y compris dans la capitale, ne choquent plus personne. C'est dire que la vigilance à laquelle a appelé le ministère de la Santé pour une surveillance accrue du secteur de la production avicole nécessite des moyens et une volonté qui n'existent pas. Les autorités locales ont un rôle de premier plan à jouer pour assurer l'indispensable contrôle de la production avicole au niveau local et national.