Le village d'Ifri fêtera fièrement, cette année, le 54e anniversaire de la tenue du premier congrès du FLN, qui était à l'époque un tout jeune parti révolutionnaire qui a organisé et guidé la résistance contre l'occupant français et mené l'Algérie vers la libération. Début août 1956. La résistance avait plus que jamais besoin d'organisation. Un congrès du FLN, instance suprême de la lutte armée s'imposait. La réunion était initialement programmée dans les Aurès, avant que le choix ne soit porté sur la Qalaâ Ath Abbas, près d'Ighil Ali, sur les hauteurs de la rive droite de la Soummam, en petite Kabylie. Mais un fâcheux et néanmoins insolite incident contraindra les organisateurs à élire un autre domicile. Une mule transportant les documents qui devraient servir de base pour les travaux des assises s'était dirigée vers une caserne de l'armée coloniale près d'Allaghen. Il faut donc opter pour un autre endroit sûr. Le choix sera alors porté sur Ifri, sur l'autre rive de la Soummam. Au cœur de ce beau village qui culmine à plus de 700 mètres d'altitude sur Ouzellaguen, dans la vallée de la Soummam, se trouvent les deux petites et modestes maisons mitoyennes qui avaient abrité, un certain 20 août 1956, les premières assises du FLN. Le lieu est d'abord et avant tout idyllique, coincé entre les massifs montagneux de la petite Kabylie, bastion de la résistance contre l'occupant français. «Les propriétaires de ces deux maisons ont pour noms Mohand Amokrane Behnous et son frère Ameziane. L'aîné est tombé au champ d'honneur alors que le cadet est un moudjahid qui s'est éteint au lendemain de l'indépendance», nous relate Hakim Mahdjat, responsable du musée d'Ifri. 54 ans après, nous nous sommes rendus à Ifri pour visiter ces modestes et néanmoins mythiques demeures qui ont abrité les travaux du congrès. Les deux demeures qui ont à peine dix huit mètres carrés chacune, sont plutôt bien conservées. «Chaque année, deux femmes au savoir-faire indéniable entretiennent ces lieux mythiques en faisant passer sur les murs une couche d'argile, de paille et de bouse de vache», explique Hakim. Chaque maison dispose de deux portes et d'autant d'ouvertures. Hormis une mince couche de peinture verte, les portes sont restées intactes. La toiture a été partiellement restaurée. A l'intérieur, sont éparpillées, ici et là, des jarres, une ancienne caisse, une table basse et des articles de poterie traditionnelle kabyle. L'une des demeures a abrité les travaux pendant que sa voisine a été dédiée aux moyens logistiques : papier, machines à écrire, ravitaillement... C'est ici, que s'est tenue la réunion des six héros congressistes chefs du FLN qui ont encadré un combat héroïque contre la France coloniale. Larbi Ben M'hidi présidait la séance, Abane Ramdane assurait le secrétariat,. Krim Belkacem et Amar Ouamrane représentaient respectivement la Kabylie et l'Algérois, Zighoud Youcef et Ben Tobal ont conduit la délégation du Nord constantinois. Le conclave a duré 14 longues et très chaudes journées. Et durant toute cette période, les lieux ont été superbement sécurisés par le colonel Amirouche à la tête de quelque 3000 combattants de l'Armée de libération nationale (ALN). La discrétion était totale. «Personne dans ce contingent qui assurait la garde rapprochée ne savait qu'un congrès s'y tenait», témoigne un ancien maquisard de la région. Trois jours après la tenue de ce grandiose événement qui a posé les jalons de la future République algérienne, la France coloniale a riposté. L'artillerie a assiégé et bombardé sauvagement et massivement les 14 villages qui cernent Ouzellaguen. «Les cratères formés par les impacts des missiles et des roquettes dans les champs sont innombrables», dit un vieillard rencontré au village Ifri. L'aviation a bombardé sauvagement les populations civiles. Puis, s'ensuivit un large ratissage des lieux. Les morts ne se comptent plus. C'est le grand exode. 54 ans après, le village d'Ifri garde le vestige d'une héroïque résistance contre le colonialisme. En 1984, un musée a ouvert ses portes dans le village. Un musée qui raconte une grande page de l'histoire récente de l'Algérie. Au milieu du musée, une statue en pierre est dédiée à l'effigie de l'architecte et cerveau de la Révolution, Abane Ramdane, réalisée par le sculpteur Samir Zabouri. Une salle d'exposition abrite une galerie de photos de la guerre. L'on peut également voir la tenue de combat du colonel Amirouche, mais aussi des burnous et des kachabias de combattants anonymes de la résistance algérienne.