-Un récent rapport du ministère des Finances fait ressortir un taux d'inflation très élevé en 2009, se situant à 5,75%. Quelle lecture faites-vous à propos de cette donne économique et quel serait le risque pour l'Algérie ? Il semble que cette tension inflationniste persistait depuis déjà plusieurs années et le taux augmentait d'une année à l'autre, puisque la proportion est passée de 1,6% en 2006 à 2,5% en 2007, 4% en 2008 et 5,7 durant l'année écoulée. Cette tendance à la hausse est donc perceptible et très préoccupante car, contrairement à la baisse du taux de l'inflation observée à travers le monde, l'Algérie, elle, fait face à une tension inflationniste des plus importantes. Elle est provoquée essentiellement par la hausse effrénée des prix des produits de large consommation. C'est aussi une inflation de nature structurelle qui n'est qu'un reflet de la nature de l'économie algérienne. Il faut préciser que cette inflation risque de laminer complètement le pouvoir d'achat des Algériens, car, économiquement, la hausse de l'inflation entraîne de facto la baisse du pouvoir d'achat. Elle risque aussi de rendre sans impact les dernières augmentations des salaires décidées par les pouvoirs publics. -L'Algérie risque de subir aussi une autre inflation suite à la hausse des prix de certains produits boursiers dont l'Algérie est importatrice… Sans l'ombre d'un doute, le risque de subir également l'inflation mondiale est certain, car l'Algérie doit passer par l'importation pour pouvoir alimenter son marché local avec certains produits boursiers, dont les prix ont connu une forte hausse ces derniers jours. Il y a donc le risque de ce qu'on appelle une inflation importée due à la hausse des prix de certains produits sur les marchés internationaux, dont l'Algérie est importatrice. Ce phénomène vient densifier les craintes quant à une inflation inquiétante qui s'explique aussi par la structure de l'économie algérienne, dont l'offre est insuffisante par rapport à la demande. Ce facteur, parmi d'autres, qui est à l'origine de cette inflation galopante, tire sa source de la faiblesse du secteur productif national et le recours répétitif à la rente pétrolière. Une chose est sûre, le risque d'une inflation importée est sérieux et ne fera qu'alourdir davantage la facture alimentaire du pays car, selon toute vraisemblance, les prix de certains produits, dont l'Algérie est importatrice, comme les céréales et le café, continueront à être très élevés sur les marchés internationaux. Et si la cette tendance se confirmait à l'avenir, l'Algérie n'aura aucunement les moyens de maîtriser son inflation et l'impact, en termes de coût, sera très important. Par ailleurs, il faut préciser que le taux de l'inflation serait plus important si l'Etat ne subventionnait pas certains produits de large consommation, à l'instar du pain et du lait. La loi de finances 2010 a prévu d'ailleurs une enveloppe de 260 milliards de dinars destinée à soutenir les prix de certains produits de première nécessité. -Le rapport de Karim Djoudi remis à la présidence de la République fait ressortir également une importante hausse du volume de la dette publique interne. Qu'est-ce que cela peut signifier pour vous ? Tous les observateurs ont sonné le tocsin pour avertir contre les futures répercussions de cette hausse de la dette publique interne. Celle-ci est passée de 734 milliards de dinars en 2008 à 814 milliards de dinars en 2009, soit une hausse de 80 milliards, ce qui représente plus de 10% le taux d'augmentation. En suivant cette tendance, nous ne pouvons pas affirmer que la dette publique interne s'est stabilisée puisque l'augmentation est très sensible. Ceci dit, les efforts consentis depuis des années par les pouvoirs publics afin de réduire le volume de la dette publique interne s'avèrent inefficaces. Il est utile de souligner aussi que le volume de la dette publique interne progresse dans un contexte de relative aisance financière. Cela dit, cette hausse cache bon gré, mal gré de sérieux problèmes auxquels est confrontée la finance algérienne. -Les crédits à l'économie ont augmenté de 400 milliards de dinars, selon la même source, alors que l'économie continue de fonctionner suivant le système rentier. N'y a-t-il pas une contradiction entre les chiffres de M. Djoudi et la réalité du terrain ? Il est relevé que les crédits à l'économie ont augmenté de 400 milliards de dinars entre 2008 et 2009. Selon le ministre des Finances, cette augmentation s'est faite dans un contexte de réforme financière. Cette affirmation permet de comprendre que le marché financier a connu des réformes significatives, alors que, concrètement, les choses avancent mal dans ce secteur. D'ailleurs, le président de la République a invité le gouvernement à dynamiser l'accès aux crédits bancaires, ce qui prouve que les réformes engagées n'ont eu aucun impact sur le plan économique. C'est-à-dire qu'en réalité, il n'y a pas eu de réformes, mais des restrictions sur le plan d'accès aux crédits bancaires. Il faut souligner aussi que les 400 milliards de dinars d'augmentation de crédit à l'économie ne constituent, en réalité, qu'une goutte d'eau dans un océan. Les demandes de financement provenant des entreprises, notamment privées, ne sont pas totalement satisfaites et tout le monde convient à dire que ce n'est pas avec une telle approche que l'Algérie arrivera à bâtir une économie hors hydrocarbures densifiée et diversifiée. Je vois bien une contradiction entre une politique budgétaire volontariste et une politique monétaire restrictive, au moment où les banques disposent de surliquidités très importantes. Le ministère des Finances ne doit pas être uniquement un ministère de dépenses publiques. La réforme fiscale, elle, doit avoir plusieurs finalités, dont l'augmentation des ressources ordinaires en maîtrisant le marché informel. Une réflexion doit être engagée aussi afin de réduire toute subvention dont l'impact économique est négligeable. Cela permettra d'alléger, à coup sûr, le budget de fonctionnement qui connaît d'année en année une croissance démesurée.