L'Iran a lancé hier sa première centrale nucléaire construite par la Russie à Bouchehr (sud), en dépit des sanctions internationales contre son programme nucléaire soupçonné de dissimuler des visées militaires. Les opérations de chargement du combustible dans le réacteur ont commencé hier matin, en présence du vice-président Ali Akbar Salehi, chef du programme nucléaire iranien, et de Sergueï Kirienko, chef de l'agence nucléaire russe Rosatom qui a dirigé la construction de la centrale. Le début du chargement du réacteur fait désormais officiellement de la centrale de Bouchehr une installation nucléaire. M. Salehi a remercié la Russie pour avoir «accompagné la nation iranienne» dans la construction de la centrale entamée il y a 35 ans par l'Allemagne, mais qui a connu entre-temps de nombreuses vicissitudes. «En dépit de toutes les pressions, sanctions et difficultés imposées par les pays occidentaux, le démarrage de la centrale de Bouchehr illustre la poursuite du programme nucléaire pacifique de l'Iran. C'est un symbole de la résistance de la nation iranienne et de sa détermination à atteindre ses objectifs», a-t-il affirmé. Le lancement de Bouchehr intervient alors que la République islamique est sous le coup de sanctions internationales après plusieurs condamnations de son programme nucléaire par le Conseil de sécurité de l'ONU qui soupçonne Téhéran, malgré ses dénégations, de chercher à se doter de l'arme atomique. La Russie a obtenu de l'ONU que Bouchehr échappe à l'embargo international contre tout transfert d'équipements ou technologies nucléaires vers l'Iran, en s'engageant notamment à fournir pendant dix ans le combustible nécessaire à son fonctionnement et à le récupérer après usage pour réduire les risques de prolifération. La centrale va par ailleurs demeurer plusieurs années sous le contrôle conjoint de techniciens russes et iraniens. Bouchehr «est totalement protégée de tout risque de prolifération», a affirmé le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Sanctions M. Kirienko a affirmé de son côté hier «le droit à l'énergie nucléaire pacifique» de l'Iran. Il a également relevé le caractère «international» de la centrale, «placée sous le contrôle de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA)» et à l'équipement de laquelle ont participé «plus de dix pays, incluant des pays européens et asiatiques» qu'il n'a pas nommés. Le chargement des 163 barres de combustible livrées par Moscou dans le cœur du réacteur devrait s'achever vers le 5 septembre. Il faudra ensuite environ deux mois pour que la centrale de 1000 mégawatts (MW) puisse être raccordée au réseau électrique fin octobre ou début novembre, selon l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA). Les besoins futurs de la centrale en combustible ont à nouveau été évoqués vendredi par M. Salehi pour justifier la poursuite de l'enrichissement d'uranium par l'Iran, une activité qui inquiète particulièrement les Occidentaux et dont le Conseil de sécurité de l'ONU a réclamé en vain la suspension depuis 2006. «L'enrichissement (d'uranium) pour produire du combustible pour la centrale de Bouchehr et d'autres installations continuera», a-t-il dit, en soulignant que l'accord pour la livraison de combustible russe était prévu pour dix ans alors que la durée de vie de la centrale est de 40 ans. Le ministère français des Affaires étrangères a estimé que la mise en activité de Bouchehr montre que l'Iran n'a pas besoin d'enrichir de l'uranium pour accéder au nucléaire civil et a appelé Téhéran à suspendre ces activités sensibles. Téhéran affirme vouloir produire à terme 20 000 MW d'électricité d'origine nucléaire. M. Salehi a toutefois indiqué hier qu'«il n'y a actuellement aucune discussion (avec la Russie) pour construire de nouvelles centrales nucléaires» en Iran.