Une délégation américaine a séjourné la semaine écoulée à Alger où elle a eu à discuter des cas d'une trentaine d'Algériens parmi les 520 détenus d'une quarantaine de nationalités à la base de Guantanamo Bay, a-t-on appris de source sûre. Ces Algériens ont pour leur majorité été arrêtés en Afghanistan, au Pakistan et dans certains pays européens. Accusés d'avoir participé à une organisation terroriste, ils sont maintenus en détention administrative, coupés du monde extérieur depuis plusieurs mois, pour certains depuis septembre 2001. La délégation américaine a eu un programme de visite très chargé. Elle a été reçue par les ministres de l'Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères et les débats ont tourné autour des conditions du transfert des Algériens arrêtés depuis le lancement de ce que le département d'Etat US a appelé la guerre internationale contre le terrorisme, juste après les attentats du 11 septembre 2001. Parmi les dossiers discutés, se trouvent six ressortissants algériens ayant également la nationalité bosniaque. Ils avaient été arrêtés en Bosnie après avoir été jugés et acquittés par la Cour suprême de ce pays. Cette juridiction leur a également accordé une indemnisation financière (17 000 dollars US) à titre de dommages et intérêts des suites de leur détention injustifiée pendant presque deux ans. Juste après leur mise en liberté, des agents américains les ont enlevés devant le tribunal, après les avoir encagoulés, puis transférés vers la base de Guantanamo Bay. Toutes les actions engagées par leurs épouses bosniaques à travers les écrits adressés aux plus hautes autorités algériennes et la constitution d'un collectif d'avocats (parmi lesquels des Algériens) n'ont abouti à rien. La délégation américaine a expliqué que son pays est « en train d'étudier tous les dossiers des détenus de Guantanamo. La commission de révision administrative a déjà traité de nombreux cas marocains, qataris, yéménites, saoudiens, etc., lesquels ont été d'ailleurs soit libérés soit remis à leurs autorités », a indiqué notre source. Pour nos interlocuteurs, les Américains ne considèrent pas les détenus de Guantanamo comme étant des prisonniers de guerre. « Pour eux, la lutte contre le terrorisme n'est pas une guerre classique ordinaire qui obéit aux règles internationales proprement dites. Ce sont pour eux des personnes hostiles à leurs intérêts. Ils veulent les transférer dans leur pays, mais avec la conviction qu'ils ne présentent plus de danger pour leurs intérêts partout où ils sont. L'objectif recherché est d'assainir la situation dans cette grande prison administrative qu'est Guantanamo et par la même occasion essayer de présenter une meilleure image de l'Amérique... » Pendant trois jours, la mission a longuement discuté et débattu avec les plus hauts responsables de l'Intérieur, de la Défense nationale, de la Justice et des Affaires étrangères, et fini par donner son accord pour un éventuel transfert après la visite d'une mission algérienne à la base de Guantanamo. « La partie algérienne a elle aussi exprimé son souhait de pouvoir rendre visite aux détenus algériens, d'autant que beaucoup ne sont même pas fichés comme étant des activistes islamistes », a ajouté notre source. Sur cette question, la délégation américaine a donné son accord. « Il reste uniquement à programmer la visite le plus tôt possible pour permettre le retour des prisonniers algériens avant la fin de l'année en cours ». C'est la première fois que les Etats-Unis envoient une délégation de trois responsables pour négocier le sort des détenus de la base de Guantanamo. L'Administration US a toujours refusé d'ouvrir le débat sur ce dossier. De nombreux avocats qui ont tenté de rendre visite à leurs mandants internés dans cette base ont essuyé des refus catégoriques. S. T.