La nette victoire du «oui», en Turquie, lors d'un référendum sur une révision constitutionnelle, a ouvert la voie à un nouveau succès pour le parti AKP du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, aux législatives de l'an prochain, estimaient hier les analystes. Le Parti de la justice et du développement (AKP) était à peu près seul à faire campagne en faveur de la réforme, dont le but était de «démocratiser» une Constitution héritée du coup d'Etat militaire de 1980, en limitant notamment le pouvoir de la hiérarchie judiciaire et de l'armée, bastions du camp laïque. Il peut donc légitimement prétendre récolter seul les bénéfices des 57,88% de «oui» exprimés par les Turcs dimanche, contre 42,12% au «non», avec un taux de participation de 73,7%, selon les résultats officiels provisoires, commentait hier l'éditorialiste Semih Idiz dans le quotidien Milliyet. «Dès lors que le référendum a été transformé par l'opposition en un vote de confiance au gouvernement, il faut bien admettre que le pouvoir AKP a remporté cette épreuve», affirmait l'analyste, qui voit dans ce succès un «feu vert» pour le gouvernement. Ce bon résultat arrive à point nommé pour l'AKP, au pouvoir depuis novembre 2002, après avoir remporté haut la main les dernières élections générales en 2007 (47% des voix) mais qui a manifesté des signes d'essoufflement lors des municipales de l'an dernier (39%). «L'AKP a passé avec succès un test important avant les élections législatives de 2011», estimait Murat Yetkin, du journal libéral Radikal. Rampe de lancement La Bourse d'Istanbul a d'ailleurs salué ce score, vu comme un gage de stabilité, en ouvrant lundi sur un plus haut historique. «L'AKP doit cependant se garder de tout triomphalisme et rechercher le compromis avec l'opposition s'il ne veut pas s'aliéner davantage les 42% d'électeurs qui ont dit ‘‘non'' à sa réforme», mettaient en garde plusieurs analystes. «Le danger que l'opposition a pointé durant la campagne était celui-là : la peur que le pouvoir se place lui-même au-dessus des lois. Parce que la force du pouvoir en place va s'accroître. Et qu'une telle force peut le corrompre», affirmait Güngör Mengi dans Vatan. L'opposition laïque et nationaliste a mené campagne contre la réforme, au motif qu'elle menaçait, selon elle, l'indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs. La révision limite les prérogatives de la justice militaire et modifie, au profit du pouvoir, la structure de la Cour constitutionnelle et du Conseil supérieur de la magistrature (HSYK) qui nomme juges et procureurs. L'Union européenne, avec laquelle la Turquie a entamé des négociations d'adhésion en 2005, a salué dimanche «un pas dans la bonne direction», mais a prévenu, par la bouche de son commissaire chargé de l'Elargissement, Stefan Füle, qu'elle suivrait «très attentivement» l'application de la réforme.